Lettre d’Avril 2024 :

Les superstitions en France

 

Lors de mes « navigations » sur Internet, je note des infos que je trouve ici et là. Pour ne pas trop fatiguer les yeux, je vous les livre telles que je les ai saisies. Sûr, ce n’est pas un Poisson d’Avril !!!!

Les superstitions sont nombreuses. Certains y voient de vulgaires croyances. D’autres, de véritables adages. Faut-il craindre un vendredi 13 ? Éviter de passer sous une échelle ? Croiser les doigts ? Ces préceptes sont presque devenus, pour certains, des expressions que nous employons quotidiennement. Ce mois-ci je vais vous parler de quelques superstitions. Je ne prétends pas en parler de toutes car il y en a tellement, parfois certaines de personnelles que je ne peux toutes le citer. Mais en voici, quelques-unes

Savez-vous pourquoi on ne doit jamais mettre un chapeau sur un lit surtout si dans le lit il y a un malade ? Au temps jadis, quand le médecin ou le curé posait son chapeau sur le lit d’un malade, c’était parce que sa mort était certaine et très proche. On comprend aujourd’hui cette superstition

Même les moins superstitieux emploient la formule : « Je touche du bois !» Certains tâtent une table, une chaise, un meuble... qu’importe ! Tout pour les protéger d’un mauvais coup du sort. Cette croyance, peu s’en doutent, nous vient de très loin. Du IIe millénaire avant notre ère, pour être précis. À cette époque, les Perses pratiquent le mazdéisme, Le mazdéisme est une religion qui doit son nom à son dieu principal, Ahura Mazda. Le livre sacré du mazdéisme est l'Avesta. Cette religion qui inspire le christianisme, En effet, toucher du bois est une manière de confier son âme à Atar, le génie du feu. Dans l’Égypte antique, le bois est censé diffuser un magnétisme bénéfique.

Au Moyen Âge, la croyance change un peu. Les chrétiens d’alors associent le bois à la croix sur laquelle périt Jésus-Christ. Le toucher devient une prière, une façon de se protéger du malheur. Ainsi, les malchanceux ont peut-être raison de suivre ce précepte...

 

Le chiffre 13 porte malheur. L’origine de cette superstition est religieuse : en effet, lors de la Cène, du terme issu du latin cena, « repas du soir, souper ». C’est le nom donné dans la religion chrétienne au dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres (dont le traître Judas) le soir du Jeudi saint, avant la Pâque juive, peu de temps avant son arrestation, la veille de sa crucifixion, Ils étaient donc 13 à table, et c'est à l'issue de ce repas que Jésus a été trahi puis crucifié. Le chiffre est depuis associé au malheur et à la mort.

Ainsi, il est assez courant d'éviter au maximum le nombre 13. Par exemple, dans certains pays le 13ème étage d'un immeuble sera appelé le "12A" ! Il en va de même pour certains hôtels ou hôpitaux qui ne possèderont pas de chambre 13, passant de 12 à 14.

 

Et je ne parle pas du vendredi 13 qui porte malheur !!

Mais pourquoi le vendredi en particulier ? Il semblerait qu’un grand nombre d'événements tragiques se soient déroulés un vendredi 13, faisant de ce jour une date maudite. En découlerait même une phobie, la "Paraskevidékatriaphobie".

C'est un vendredi 13 que les Templiers se sont fait arrêter et bruler vifs par Philippe le Bel.

Sans remonter aussi loin, c'est aussi lors d'un vendredi 13 que Tupak Shakur a été tué. C’est un rappeur, poète et acteur afro-américain mort assassiné le vendredi 13 septembre 1996 à Las Vegas. 

Un vendredi 13 novembre de l'année 1970, le cyclone Bhola, au Bengladesh, produit des vents dépassant les 225 km/h et entraîne dans sa course une onde de tempête destructrice. En effet, au moment de l'impact du cyclone la marée est haute et des vagues de six mètres sont mesurées entrant en collision avec une région très fortement peuplée. Le bilan humain est le plus lourd de l'histoire concernant un système météorologique tropical. On dénombre un total de 500 000 personnes tuées dont environ 100 000 pêcheurs (un tiers en mer et le reste dans les embouchures des fleuves). 400 000 habitations ont été détruites, sous les eaux ou pulvérisées par la force des vents.

Le naufrage du Costa Concordia est un grave accident de paquebot de croisière, survenu en Méditerranée, le vendredi 13 janvier 2012, à proximité de l'île du Giglio, au large du littoral sud de la Toscane. Alors qu'il navigue trop près de la côte sur l'ordre du capitaine, le bâtiment talonne un récif côtier sur bâbord. La coque est éventrée sur environ 53 mètres de long et sur une largeur allant jusqu'à 7,30 mètres au maximum et prend l'eau immédiatement. Le navire, sous l'action combinée de son inertie, du courant et du vent, réussit à effectuer un demi-tour et vient s'échouer sur tribord sur un rocher côtier à proximité du port. Le bilan définitif s'élève à trente-deux morts.

 

Et n'oublions pas les attentats qui ont touché Paris le 13 novembre 2015. Un jour de mauvais augure et on comprend pourquoi.

 

Renverser du sel sur la table : Cette superstition est peut-être moins répandue. Or, sans doute faudrait-il être au fait : renverser du sel sur la table peut être le signe d’une dispute avec l’ami situé en face de soi. Prenez garde ! Sachez que si, hélas, ce malheur vous arrivait, il faut, pour conjurer le sort, saisir quelques grains et les jeter par-dessus votre épaule gauche.

D’où vient cette croyance ? L’on raconte que lors du dernier repas du Christ, Judas aurait renversé une salière sur la table. On sait le malheur qui en suivit ». Ce n’est pas tout : au Moyen Âge, le sel est une denrée très chère. D’ailleurs, on le surnomme « or blanc ». En faire tomber par mégarde était un désastre pécuniaire.

 

Ne jamais ouvrir un parapluie dans une maison. C’est considéré par beaucoup comme une source de malheurs, et l'origine de cette superstition est assez drôle. Le toit de la maison est une protection pour ses occupants. Le parapluie constitue donc une deuxième protection inutile. Résultat, celles-ci s’annuleraient... Les habitants se retrouvent donc sans protection, assaillis par la malchance. 

Bon, il y a une autre origine beaucoup plus crédible. Elle remonte à l'époque où les baleines des parapluies sont des lamelles de fer assez effilées ! Ouvrir ce genre de parapluie dans une maison est source de danger, les baleines pouvant blesser les personnes aux alentours.

 

Jeter des pièces dans une fontaine : Le métal accompagne souvent les fontaines, quelles qu’elles soient, que nous croisons. Tout le monde le sait : y jeter une pièce revient à réaliser un vœu secrètement formulé un peu plus tôt. La croyance, païenne, nous vient de la mythologie gréco-romaine.

Une légende relate l’histoire de ces défunts, devenus ombres errantes, qui doivent rejoindre l’éternité en traversant sept fleuves. Pour être transporté d’une rive à l’autre, il faut rencontrer Charon, le passeur, et lui donner une obole. Les malheureux sans le sou sont condamnés à errer cent ans sur les bords de la rivière. Les autres lancent une pièce dans le fleuve pour rémunérer le passeur et pensent ainsi mourir en paix. Dès l’Antiquité, les fontaines sont dédiées aux dieux. Avant que les chrétiens ne les vouent à un saint. En y jetant de la monnaie, on s’attire leurs faveurs.

 

Casser un miroir c’est sept ans de malheur. Les miroirs font l'objet de nombreuses superstitions. Refuge des démons, reflet de notre âme, casser un miroir provoquerait sept années de malheur. À l'époque de la Grèce Antique, les miroirs étaient principalement des outils de divination permettant de discerner l'avenir. Le briser serait donc un très mauvais signe, brisant au passage notre avenir.

Et pourquoi 7 ans de malheur précisément ? L'explication nous vient du peuple Romain. Selon leurs croyances, la vie s'organiserait en cycle régulier d'environ 7 ans. Un miroir brisé = 7 ans de malheur, puis le cycle de vie recommence de manière saine.

 

Croiser un chat noir, présage de malheur. C'est une superstition dont l'origine est assez connue En effet, elle remonte à l'époque où la sorcellerie est particulièrement crainte, et toute personne suspecte de la pratiquer doit être brûlée. Le chat noir a pendant longtemps été associé aux sorcières, considéré comme leur fidèle compagnon et partenaire de leurs pratiques impies.

Le seul fait de posséder un chat noir peut valoir des accusations de sorcellerie. Ces animaux sont restés pendant longtemps des créatures associées au Diable et cette croyance remonte même au temps des Égyptiens ! Même ce peuple qui vénère les félins craint ceux dont le pelage est noir.

 

Voir une coccinelle s’envoler. L’on dit que voir celles que l’on surnomme « bête à bon dieu » s’envoler porte bonheur et qu’elle peut indiquer le temps qu’il fera dans les jours à venir. On dit que si elle ne s’envole pas de votre main, cela annonce une triste météo. Si elle se pose sur vous, prenez soin de compter le nombre de pois noirs qu’elle a sur le dos. Ce sera autant de mois heureux qui s’annoncent. Ou alors, tout simplement, faites un vœu lorsque vous croisez un de ces coléoptères. Il l’emportera au ciel.

Cette superstition provient d’une légende datant du Xe siècle. L’on raconte que grâce à une coccinelle, un condamné à mort a été gracié par Robert II le Pieux. Celui-ci voit une coccinelle sur le cou du détenu qui, malgré les tentatives du bourreau, refuse obstinément de s’envoler. Robert II va y voir là un signe de Dieu et libère immédiatement son prisonnier, convaincu de son innocence

 

Triquer les yeux dans les yeux. Mais d’où vient cette tradition ?

Là encore, du Moyen Âge, époque où les empoisonnements étaient monnaie courante. Ainsi, fixer votre compagnon de beuverie est une manière de vérifier que votre vie n’est pas mise en danger. Et pour être certain des bonnes intentions de celui qui partage votre table, on a l’habitude d’entrechoquer violemment son gobelet (en métal souvent en étain) contre le sien. A l’époque, les contenants en verre n’existaient pas. Car alors, des gouttes d’élixir peuvent tomber dans le verre du voisin. Si l’un des buveurs détourne le regard ou semble mal à l’aise, il est ainsi plus facile de deviner si, effectivement, on tente de vous intoxiquer.

 

Passer sous une échelle est un danger de mort. Il nous faut encore revenir à la Bible pour trouver une explication à cette croyance. Tout d'abord, l'échelle serait devenue un symbole de trahison, une échelle ayant été utilisée pour crucifier Jésus. De plus, une échelle posée contre un mur forme un triangle, symbole divin (la Sainte-Trinité) dans la Bible. Passer sous l'échelle reviendrait à forcer ce triangle, acte de profanation qui attirerait le courroux de Dieu. Au Moyen Age, c'est aussi associé à la mort : les condamnés à la pendaison doivent passer sous l'échelle (qui sert à tendre la corde) contre la potence. On comprend mieux !

 

Le diable est attiré par le pain posé à l’envers.  C’est une superstition plutôt étonnante : mettre le pain à l'envers pourrait attirer le diable et porter malheur. Cela provient encore une fois du Moyen Age, les boulangers présentant à l'envers le pain destiné au bourreau. Ces derniers ne sont pas appréciés à cause de leur profession, mais les jours d'exécutions une miche de pain leur est réservée. Le boulanger la plaçait donc à l'envers afin qu'il puisse la reconnaitre et les autres habitants n'y touchent pas, par peur de s'attirer le mauvais œil.

 

Croiser les doigts : Bien avant que le christianisme ne s’empare de ce geste, déjà à l’antiquité, croiser les doigts est une superstition, païenne celle-là. La croix représente l’union parfaite. Une autre théorie avance que croiser ses doigts, faire une croix, donne plus de chance de réaliser un vœu. À l’époque, deux personnes peuvent se porter chance en croisant leurs index afin de former le point d’intersection. Jusqu’à simplement croiser les doigts.

Une autre théorie encore raconte que croiser ses doigts permet de chasser le mauvais œil et de fuir lors de la persécution des premiers chrétiens. C’est un signe de reconnaissance entre chrétiens.

Quant à l’expression « croiser les doigts », traduite littéralement de l’anglais « to cross one’s fingers », la formule est fréquemment employée pour éloigner le diable, ou plus généralement, pour conjurer le mauvais sort durant l’ère médiévale.

 

Aujourd’hui, les dimensions religieuses ont disparu et d’autres méthodes existent pour porter chance, comme dire « merde ». Le fait de dire "merde" pour se souhaiter bonne chance trouve son origine dans le monde du spectacle. Au XIXe siècle, les bourgeois se rendent au théâtre ou à l'opéra en calèche, et les chevaux défèquent inévitablement devant l'entrée. Plus le spectacle a de succès, plus les calèches affluent et plus les spectateurs marchent dans le crottin et en emportent sous leurs semelles jusque dans la salle de spectacle. Le succès d'une pièce peut donc se mesurer à la couche de déjections qui macule la salle, et les gens du spectacle ont pris l'habitude de se souhaiter "merde" avant chaque représentation.

 

Voici quelques superstitions françaises. Mais dans une prochaine lettre, on verra que par le monde, il y en a dans chaque pays. 

 

Annie R.

Avril 2024

 



Lettre de mars 2024 :

 

L’Escargot

 

Ce mois-ci, je ne vous parle pas de l’Escargot Randonneur mais de son homonyme l’Escargot, le gastéropode.

A- CE QUE L’ON SAIT SUR EUX

Là, pour certains, je vais peut-être « enfoncer des portes ouvertes » mais, tant pis.

Le terme escargot est un nom vernaculaire (c’est-à-dire courant) qui en français désigne des gastéropodes à coquille, généralement terrestres et appelés aussi des limaçons, ou colimaçons par opposition aux limaces. Ce sont tous des mollusques, quelle que soit leur taille (certains mesurent à peine 2 millimètres) ou leur forme. 40 % des mollusques étant des escargots terrestres, certains escargots toutefois sont des espèces aquatiques, plutôt d'eau douce : telles les limnées ou les planorbes, souvent appelés « escargots nettoyeurs » par les amateurs d'aquariophilie. La plupart des escargots sont phytophages (qui se nourrissent de matières végétales), quoique quelques espèces soient omnivores (qui se nourrissent indifféremment d’aliments d’origine animale ou végétale), zoophages (se nourrissent d’autres animaux vivants ou morts) ou détritivores (se nourrit de détritus ou de débris organiques)

Les gastéropodes (littéralement les « ventres-pieds » en grec ancien) comprennent plus de 100.000 espèces dont environ 700 en France. Leur corps de compose de trois parties : la tête à l’avant (avec les yeux dont ils se servent très peu, le cerveau et la bouche), un large pied (qui leur sert à avancer en glissant sur la bave qu’ils sécrètent) et leurs viscères (poumons et autres organes vitaux qu’ils portent sur le dos et cachent dans leur coquille. Ils fabriquent celle-ci au fur et à mesure de leur croissance depuis un pli dorsal qui s’appelle le manteau en assimilant le calcium qu’ils trouvent dans les sols calcaires et les végétaux dont ils se nourrissent. C’est l’animal terrestre le plus lent du monde avec cinq mètres parcourus par heure. 

Les escargots sont des animaux hermaphrodites dotés à la fois d’un vagin et d’un pénis à l’exception de certaines espèces aquatiques qui sont alternativement mâle ou femelle. Une fois qu’ils ont trouvé un partenaire, ils s’accouplent puis quelques semaines plus tard vont enterrer leurs œufs (environ une centaine) dans un trou de terre humide. Les escargots naissent avec une coquille composée de calcaire et d’une protéine appelée conchyoline. Celle-ci continue à croitre de façon hélicoïdale tout au long de la vie du mollusque : ainsi la pointe de la coquille ou apex est en fait celle avec laquelle il est né.

Les escargots terrestres ne sont actifs que lorsque l’humidité est suffisamment élevée. Dans le cas contraire, l’animal se rétracte à l’intérieur de sa coquille qu’il obture par un voile muqueux (courte inactivité) ou par un épiphragme, ce qui lui évite la déshydratation. Certains escargots grimpent sur un mur ou en haut des tiges d’herbe pour fuir la fournaise du sol, d'autres qui vivent dans les déserts du Néguev et du Sinaï, se retirent dans les dernières spires, afin de former dans la première une chambre à air isolant de l'air sec. L'hibernation d'un escargot peut durer de 3 à 6 mois. L'escargot du désert peut exceptionnellement survivre jusqu'à 3 ans en hibernation.

C’est un mollusque riche en acides gras oméga-3, des lipides bénéfiques pour l’humeur, la peau les cheveux et le cœur. Ils renferment aussi beaucoup de fer, essentiel pour la formation des globules rouges et l’oxygénation sanguine. On y trouve aussi de la vitamine A, du zinc et du calcium. Son espérance de vie varie de 5 à 8 ans. En comptant les tries d’accroissement, on peut apprécier l’âge et l’état des animaux. C’est par son bord externe qu’une coquille s’agrandit : celui-ci, mince et fragile au début, devient ensuite rigide (on dit alors que l’escargot est « bordé »)

Sa présence dans un jardin est un bon signe car il indique que le sol est de bonne qualité. En effet, un escargot détecte très vite toutes les traces de pollution.

En France, gravement menacé de disparition progressive, Helix pomatia (celle qu’on utilise pour les escargots dits de Bourgogne) est une espèce protégée par arrêté ministériel du 24 février 1979 qui réglemente son ramassage et sa distribution. Son ramassage est interdit au printemps durant sa période de reproduction du 1er avril au 30 juin. Le ramassage et la vente de l'escargot de Bourgogne Helix pomatia, dont le diamètre de la coquille est égal ou supérieur à 3 cm, sont autorisés du 1er juillet au 31 mars.

Depuis 2017, du fait de la réglementation et du potentiel de production pérenne des populations sauvages d'Helix pomatia, les volumes disponibles sont insuffisants pour assurer l'importante demande commerciale. Aussi, cet escargot n'est majoritairement cuisiné qu'au sein des ménages. Les escargots du commerce et de la restauration sont majoritairement issus d’élevages locaux (héliciculture), ou importés en grande quantité de Pologne ou d’autres pays d'Europe de l'Est à moindre coût. L'espèce commercialisée doit être obligatoirement mentionnée à défaut du pays d'origine et de son lieu d'abattage.

En droit français, trois espèces d'escargots consommables peuvent prétendre à la mention escargot. Helix Pomatia ou escargot dit de Bourgogne : taille de 40 à 55 mm, réparti en Europe centrale. Helix Aspersa Aspersa ou petit-gris : taille de 28 à 35 mm Présent en Europe et Afrique du Nord, principalement autour de la méditerranée. Helix Aspersa Maxima ou gros-gris : 40 à 45 mm.

Malgré leur imposante coquille, les escargots sont convoités par les oiseaux (grive, merle), les rongeurs, les hérissons, les crapauds, les poules, les lézards et l’homme…

 

B- SA CONSOMMATION

La consommation alimentaire d'escargots remonte à la période chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire, des origines de l'histoire de l'art culinaire. En Europe continentale, l’Helix Pomatia est majoritairement répandu dans l'est de la France et en Europe centrale. En France, la consommation de l'escargot d'élevage toute espèce confondue est estimée à 30 000 tonnes par an, dont 800 à 1 000 tonnes produites par les héliciculteurs français.

Le Père Vallée, aubergiste bourguignon de Bassou dans l'Yonne en Bourgogne, aurait inventé la recette de l’Escargot de Bourgogne en 1796. En 1814, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (président du gouvernement provisoire de 1814, ministre et chef de la diplomatie du roi Louis XVIII au moment de la première restauration française) demande à son célèbre cuisinier bourguignon Marie-Antoine Carême (surnommé « roi des chefs et chef des rois ») de préparer un dîner en l'honneur du tsar Alexandre Ier de Russie, qu'il reçoit dans son hôtel de Saint-Florentin de Paris (mis à la disposition de ce dernier pendant son séjour en France). Le chef cuisinier, reprenant la recette du Père Vallée, farcit alors des escargots de Bourgogne au beurre, à l'ail et au persil (beurre d'escargot) qu'il fait cuire et fondre au four, et les baptise « escargots à la bourguignonne », obtenant un important succès gastronomique et diplomatique. La recette est depuis un des emblèmes de la cuisine bourguignonne et de la cuisine française.

Mais, ce n’est pas la seule recette. On peut par exemple citer les escargots à la franc-comtoise. Dans cette recette, on fait cuire les escargots au court-bouillon. Puis on les égoutte. On mélange de la cancoillotte avec de la crème fraîche et on recouvre les escargots avec le mélange. 

J’ai souvenir d’avoir un jour mangé des escargots au Mont Aigoual dans la Gard. Ce n’était pas des petits gris mais des escargots plus petits. Là, après les avoir faits dégorger, ils ont été cuits sur un plateau avec des sarments de vigne et servis avec un aïoli. Un régal !!!

En Catalogne aussi ils mangent des escargots (Cargols a la Catalana) mais petits. Chaque convive en a une cinquantaine. La sauce comporte notamment du jambon serrano, du piment, du Rancio (sorte de Banyuls) et du saucisson catalan. La recette est excellente. Une fois au restaurant avec notamment mes petits-enfants qui devaient avoir 8 ans pour l’un et 14 ans pour l’autre, j’ai eu l’idée de commander ce plat. Bien qu’ils soient réticents au début, ils ont accepté de goûter. Et là, je n’ai pas dû en manger cinq, ils ont tout dévoré. Cette version catalane est très proche de la version bordelaise où là, les escargots son accommodés avec du jambon de Bayonne, de la graisse de canard et de l’Armagnac (un peu chauvin non que ce soit les catalans ou les bordelais !!!)

Le Tiebou Dieune (riz au poisson sénégalais), est un plat que j’adore. Mes amies y mettent du Yet, un gastéropode que l’on trouve dans les eaux de mer d’Afrique et qui a un goût spécial que j’apprécie beaucoup.  Nos escargots de Bourgogne en comparaison sont minuscules. Chaque yet peut faire jusqu’à un kilo mais dans chaque plat, on n’en met que quelques petits morceaux. 

Je l’aimais beaucoup jusqu’à ce que je sache comment il a son goût spécial. Lorsque les pêcheurs reviennent de la pêche en mer, s’il y a du Yet dans leurs filets, ils le sortent de sa coquille, le lave dans l’eau de mer. Ensuite, ils l’enterrent et l’oublient dans le sable pendant au minimum 3 semaines sous une température africaine pour le faire sécher. Ensuite, ils le mettent à fermenter sur des clayettes au soleil. Pour éloigner les mouches, ils les enduisent d’huile de requin !!!!!! (vu le nombre de mouches, on se demande ce que ce serait sans huile !!!! J’ai alors compris pourquoi il a un goût aussi puissant et pourquoi on en met aussi peu !!!! 

Certaines espèces d’escargots géants africains fournissent une viande de brousse très prisée depuis la Guinée jusqu’en Angola.

Dans tous les pays où sont passés les Romains (Afrique du Nord, Espagne, Portugal, Italie, Belgique, Grèce) on mange des escargots. Et j’imagine qu’en Asie aussi ??? Et je dois dire qu’un jour, j’ai réussi à faire manger des escargots et des cuisses de grenouille à un ami anglais de mon fils !!!! Et, il a trouvé ça tellement bon qu’il voulait en acheter des surgelés pour repartir chez lui le surlendemain !!!!!! 

Voilà, s’en est fini de ma petite histoire d’escargots. Avec Tonio, on est en train d’essayer de bâtir celle d’un autre escargot : l’Escargot Randonneur. Mais c’est du boulot !!!!

 

Annie R.

Mars 2024

 


Lettre de février 2024 :

La Chandeleur

 

La Chandeleur (fête des chandelles) est une ancienne fête païenne et latine, devenue ensuite une fête religieuse chrétienne. Le nom de cette fête vient du latin « festa candelarum », « la fête des chandelles » (candela : « chandelle »).

Cette fête a lieu le 2 février, soit 40 jours après Noël.

Pour les chrétiens, la Chandeleur clôt le cycle de la Nativité, après Noël et l'Épiphanie. Elle commémore la présentation du Christ au temple de Jérusalem et à sa reconnaissance par Syméon comme « Lumière qui se révèle aux nations ». À l'époque, la tradition juive veut que les premiers-nés soient présentés au temple dans les 40 jours après leur naissance.

Chez les Romains, on fête les Lupercales autour du 15 février, en l'honneur de Lupercus, dieu de la fécondité et des troupeaux. Vers la même date a également lieu la fête de Feralia.

En 494, des « chandelles » sont associées à la Chandeleur par le pape Gélase Ier, le premier à organiser des processions aux flambeaux le 2 février. La légende dit aussi qu’à cette occasion il offre aux pèlerins qui viennent pour la présentation du Christ une crêpe. Peut-être une « ayrum n’tagin » le nom kabyle de cette sorte de pain réalisé à base de semoule que l’on cuit sur un tagine ? En effet, Gélase, berbère, de la tribu des Djelass, est né en Kabylie. Il a été l'un des trois papes africains de l'histoire. Il est mort à Rome le 21 novembre 496, et est le 49e pape de l'Église catholique Dans une lettre au sénateur Andromachus, il dit souhaiter rétablir les Lupercales et argue de leur pouvoir purificateur. Comme le sacramentaire gélasien mentionne la Chandeleur, on en conclut que Gélase a remplacé la fête païenne par la fête de la Présentation.  Cette fête de la Présentation au Temple est célébrée dès le IVe siècle à Jérusalem. Mais, si Gélase 1er a contribué à la répandre, il n’a pas inventé cette célébration. Mais il semble qu'elle ait plutôt pris de l'importance à la suite de la peste de Justinien en 541 avant de se répandre lentement en Occident.

Chez les Celtes, on fête Imbolc le 1er février. Ce rite en l’honneur de la déesse Brigit célèbre la purification et la fertilité au sortir de l’hiver. Les paysans portent des flambeaux et parcourent les champs en procession, priant la déesse de purifier la terre avant les semailles.

Dans les églises, on remplace les torches par des chandelles bénites dont la lueur est supposée éloigner le mal et rappelle que le Christ est la lumière du monde. Les chrétiens rapportent ensuite les cierges chez eux afin de protéger leur foyer. En 1372, cette fête est également associée à la Purification de la Bienheureuse Vierge Marie, autrement dit ses relevailles..

Toutefois l’usage liturgique de fêter la Présentation le 2 février était déjà établi à Jérusalem bien avant qu'il ne l'ait été à Rome au Vème siècle.

Une festa candelarum païenne se serait aussi déroulée à Rome, commémorant la recherche de la déesse Proserpine enlevée et épousée par le dieu des Enfers Pluton, par sa mère Cérès, déesse de l'agriculture et des moissons. Proserpine séjournant désormais sous terre, sa mère menace de priver les hommes de nourriture, mais obtient de Jupiter que sa fille revienne sur la terre une moitié de l'année, correspondant aux saisons du printemps et de l'été, et retourne passer au royaume infernal l'automne et l'hiver. Ainsi, la fête des chandelles symbolise le retour du printemps avec le soleil qui fait croître la terre ensemencée.

Février, par ailleurs, tire son nom du verbe latin februare « purifier ». C'est pour cette raison que le christianisme a placé la fête de la Purification de la Vierge à ce moment. La purification en question est celle de la sortie du tenèbre hivernal. 

Pourquoi mange-t-on des crêpes à la Chandeleur ?

Les crêpes avec leur forme ronde et leur couleur dorée rappellent le Soleil enfin de retour après la nuit de l'hiver, ce qui explique que l'on confectionne des crêpes à la Chandeleur, moment de l'année où les jours s'allongent de plus en plus vite. C’est également en cette période que les semailles d’hiver commencent. On se sert de la farine excédentaire pour confectionner ces crêpes, symbole de prospérité pour l’année à venir. 

La consommation de crêpes est donc un hommage au cycle de saisons et plus précisément à l’arrivée du Printemps qui annonce des jours meilleurs.  Cette fête est bien sûr accompagnée de son lot de superstitions. Par exemple, si les paysans ne font pas de crêpes à la Chandeleur, le blé sera mauvais l’année suivante. 

 

D'ailleurs, en faisant les crêpes, pensez à prendre le temps de respecter une autre coutume. Pour être assuré que la récolte sera bonne et les finances prospères, on se doit de retourner la première crêpe en la jetant en l’air de la main droite en tenant un Louis d’or dans la main gauche, le tout en veillant à ce que la crêpe retombe parfaitement dans la poêle. Ensuite, la pièce d'or doit être enroulée dans la crêpe avant d'être portée en procession par toute la famille jusque dans la chambre où on la dépose en haut de l'armoire jusqu'à l'année suivante. On récupère alors les miettes de la crêpe de l'an passé pour donner la pièce d'or au premier pauvre venu. Bien sûr si vous le faites chez vous, vous êtes sûr d’avoir de l’argent toute l’année !!!!!

Mais comment fête-t-on la Chandeleur dans le monde ?

Quel que soit le pays où elle est célébrée, et les traditions qui l’accompagnent, la Chandeleur rassemble les petits et les grands autour d’une chose mondialement partagée : la gourmandise !

a) Le « pancake day » en Angleterre

Les fêtes anglaises ne se tiennent pas à proprement parler le 2 février, mais avoisinent cette date. Ainsi, le début du mois est marqué par la célébration du Pancake Day, ou mardi gras. 

Une journée qui, suivant la tradition, est marquée par les «pancakes races », entendez une course aux crêpes ! Les participants doivent alors courir le plus rapidement possible tout en faisant sauter leur crêpe. Bien évidemment, le but est d’éviter de les faire tomber. Cette tradition atypique est surtout observée à Londres, où même les politiciens prennent part au jeu afin de récolter des fonds caritatifs.  

b) Le jour de la marmotte en Amérique du Nord et ses pancakes

Aux États-Unis et au Canada, on célèbre le jour de la marmotte en ce début de mois de février En effet, le réveil des marmottes y est très attendu. 

La croyance veut que, selon la façon de se mouvoir de la marmotte au sortir de son hibernation indique le temps vers lequel on se dirige. Si le temps est nuageux et que la marmotte ne voit pas son ombre, cela signifie que le printemps commencera très bientôt. Par contre, s’il y a du soleil et que la marmotte voit son ombre, elle aura peur et retournera dans son lieu d’hibernation. C’est alors un signe que l’hiver durera encore 6 semaines…. 

Autre différence notable, la crêpe gagne ici beaucoup en épaisseur et en moelleux, remplacée par le pancake. On déguste ce dernier bien chaud et recouvert de sirop d’érable. 

c) El Día de la Candelaria au Mexique, le jour des tamales

Au Mexique, les célébrations religieuses sont une affaire sérieuse. Le 2 février y est un jour férié, et celui qui trouve la fève le jour des rois doit ensuite organiser la Chandeleur. 

Ainsi, le jour de la chandeleur, ou Día de la Candelaria, les Mexicains se réunissent pour déguster des tamales. Il s’agit de petits pains de maïs cuits à la vapeur dans des feuilles, garnis d’une farce qui peut être sucrée ou salée. Une spécialité datant de l’époque précolombienne. 

Les Mexicains célèbrent aussi le jour de la Chandeleur en habillant de vêtements chics des poupées de l’enfant Jésus avant de les apporter pour la messe en vue d’une bénédiction.

d) Le « Liichtmëssdag » au Luxembourg

Au Luxembourg, la Chandeleur ou « Liichtmëssdag » est entièrement dédiée aux enfants. En effet, la fête des chandelles y est marquée par des processions d’écoliers parcourant leurs quartiers munis de lanternes colorées. Ces lanternes, faites mains et fabriquées en classe ou à la crèche, sont ainsi appelées « Liichtebengelcher ». 

Les écoliers vont ainsi demander à leurs voisins des sucreries ou de l’argent, tout en chantant des airs traditionnels.

 

Annie R.

Février 2024

 


  Lettre de janvier 2024 :

Il était une fois : Le Champy

 

 Tout d’abord, comme il est de tradition, mes vœux. Je souhaite à chacune et chacun de voir se réaliser tout ce qu’elle ou il souhaite dans tous les domaines. Plus particulièrement je souhaite à l’Escargot Randonneur une magnifique fête pour ses dix ans.

 

Un peu de géographie pour ceux qui ne connaissent pas. Le quartier du Champy (souvent appelé Champy-Hauts Bâtons) est un quartier situé à l’est de Noisy-le-Grand, à la limite de Champs-sur-Marne. Il est desservi par le RER de Noisy-Champs- Champy-Nesles. La gare actuelle sera, dans un avenir proche, remplacée par la future gare du Grand Paris qui accueillera en plus du RER, les futures lignes automatiques 15 et 16 et même peut-être un jour un prolongement de la ligne 11 ? 

C’est un quartier essentiellement populaire constitué d’un grand nombre de logements sociaux. Ainsi les Résidences Emmaüs représentent à elles seuls plus de 820 logements, en majorité de 3 ou 4 pièces. Il y a aussi quelques copropriétés.

Mais ce n’est pas du quartier d’aujourd’hui que je veux vous parler mais de ses origines.

Une série de drames pousse l’Abbé Pierre à se faire entendre auprès des politiques. Le 1er février 1954, il lance son célèbre Appel, sur les ondes de Radio Luxembourg, créant ce qu'on appellera "l'insurrection de la bonté". « Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant tant d'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent ! ». « Chacun de nous peut venir en aide « aux sans-abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques ».

Des fonds recueillis à la suite de cet appel permettent à l’association Emmaüs, fondée par l’Abbé Pierre, d’acquérir des terrains et d’y installer dans des conditions un peu moins précaires près de 300 familles. Ainsi est acheté à Noisy le « Château de France », vaste domaine partiellement à cheval sur des marais et sur une décharge. Ces familles sont majoritairement françaises. Elles sont tout d’abord installées sous des tentes américaines. Puis, en novembre 1954, avec l’aide Charlie Chaplin et des Chocolateries de France, sont construits des abris en dur, des « igloos » semi-cylindriques en fibrociment ondulé et quelques baraques, l’ensemble constituant « le camp » de Noisy-le-Grand ;

 

Pendant 17 ans (de 1954 à la destruction du dernier igloo en 1971), dans une France en pleine croissance économique, 250 à 300 familles ont vécu dans la boue de ce bidonville, objets de mépris, de rejet et de déni. 

D’après le témoignage d’un ancien habitant, « C’était la misère. Je me souviens des invasions de puces, le froid l’hiver, le triporteur de mon père avec lequel il allait travailler dans Paris, les jeux avec les voisins, mon premier vélo, la famille Duraton à la radio, le bouc de Besnard qui terrorisait tout le monde lorsqu’il s’échappait, le laitier qui distribuait le lait avec sa charrette à cheval, le local des chiottes où personne n’osait aller tellement c’était sale et puant, l’eau à la pompe dont il fallait tourner la manivelle sur le dessus, les disputes entre les gens mais aussi la solidarité ».

Les conditions effroyables du camp (pas de route, pas d’éclairage, quelques rares fontaines, des tas d’ordures voisinant avec un marécage, le feu qui sévit régulièrement sans que les pompiers puissent intervenir) font de ce cloaque un lieu maudit. Plus grave encore, le comportement agressif ou passif des familles, appelle sur elles le discrédit du voisinage. La police intervient régulièrement. Les écoles redoutent la visite des parents autant que celle des enfants et nul ne se soucie d’exiger la scolarisation des 50% des enfants qui refusent d’aller en classe. Pourtant, une épicière, Madame Bénard va installer une annexe de son commerce dans une roulotte à l’entrée du camp, les noiséens, voyant d’un très mauvais œil les habitants du camp quand ils venaient dans son établissement principal.

Et pourtant, le camp de Noisy-le-Grand devient bientôt l’objet de visites touristiques et des cartes postales sont même éditées. Dans la presse, le journal « Elle » consacre un article au bidonville dans son numéro du 1 décembre 1959 et suscite la générosité des lectrices pour équiper la lingerie du camp. 

Mais ce lieu incarne aussi et surtout la naissance d’un combat exemplaire et universel contre la misère et l’exclusion sociale, puisque c’est là qu’est né ATD Quart Monde, sous l’impulsion de Joseph Wresinski et des habitants du camp.

Nommé par son évêque en 1956 afin de devenir une sorte de curé auprès de cette population exclue, le Père Wresinski a grandi lui-même dans la grande pauvreté. Proche du monde ouvrier, il s’était également occupé d’une paroisse rurale très pauvre, Tergnier dans l’Aisne, avant de rejoindre le camp. Plus que personne, il connaissait la soif spirituelle des personnes en grande précarité. En plaçant l’immatériel avant le matériel, il reconnaissait aussi leur soif de fierté. 

L’arrivée en juillet 1956 de l’Abbé Joseph Wresinski va donner au quartier une autre image. Son action destinée à restituer une dignité aux plus pauvres va s’appuyer sur la réalisation de portraits et d’enquêtes photographiques qui n’ont pas vocation à être diffusés au public. Elles visent seulement à redonner une identité à la population du bidonville et à mieux la connaître. 

Le Père, promoteur du Mouvement « Aide à Toute Détresse », venu vivre au Camp en qualité d’aumônier va réaliser que pour remédier à l’abandon moral et matériel de ses habitants, il faut avant tout créer entre les familles des liens communautaires leur permettant de faire l’apprentissage de la vie sociale. 

Avec les moyens du bord, aidé par des gens du camp qui commencent à y croire, il installe dans des igloos une bibliothèque, un jardin d’enfants, un foyer pour les femmes, un autre pour les hommes, bref des lieux de rencontre, de culture, et même les premiers éléments d’un atelier d’aide par le travail.

En 1959, ce Camp est déclaré insalubre. Mais il faudra attendre 1967 et plusieurs projets avortés, pour qu’un permis de construire soit enfin donné. Il permet à la Société HML Emmaüs, propriétaire du terrain, d’édifier une « Cité Promotionnelle » du « Château de France » constitué de 78 habitations du Programme Social d Relogement dont la gestion administrative est confiée au mouvement ATD. L’ensemble comprend 7 bâtiments : deux à deux étages, cinq en plain-pied. 

Mais surtout, on doit au Père Wresinski la construction d « Notre dame des Sans Logis et de Tout le Monde »

 

Cette chapelle a été bâtie en 1957 (dans le quartier actuel des Hauts-Bâtons) et déplacée en 1970. Elle ressemble à une hutte et rappelle les igloos mis en place par l’Abbé Pierre. Sa construction a été rendue possible grâce au financement de Charlie Chaplin.

Les pratiquants de la paroisse Saint Sulpice de Noisy éprouvant de la répulsion au contact des familles du Camp, le Père Wresinski décide d’édifier une chapelle qui sera la « leur ». Elle est donc construite avec l’aide des habitants du Camp des Sans-Logis sur ce qui est aujourd’hui l’Ecole Van Gogh. Les bâtisseurs sont des bénévoles de divers pays, des non-croyants et croyants de différentes religions. Monique Midy, peintre et sculpteur en sera la maître d’œuvre. La structure est constituée des mêmes matériaux trouvés et utilisés par les sans-logis pour la construction de leur abri de fortune. Des moellons, du bois, des galets qui serviront de dalles pour le sol, des bouts de tôles dont la plupart ont été récupérés dans une décharge. 

Monique Midy enrôle de Peintre Jean Bazaine et Marguerite Huré, la vitrailliste de Notre-Dame du Raincy qui réalisent conjointement les cinq mystères glorieux du Rosaire (Résurrection Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Vierge). Ces vitraux en verre antique ont été peints à la grisaille.

La grisaille est un matériau composé d'oxydes métalliques et d'un fondant lui permettant de s'accrocher à la surface du verre lorsqu'il est cuit. Elle est cuite entre 630 et 650 °C, dans un four de verrier. De nature opaque et d'aspect mat, cet élément permet l'ajout de détails qui ressortent en transparence. La grisaille peut être utilisée de manière totalement opaque, étalée au pinceau filet, sous forme de traits ou d'aplats mais également sous forme de dégradés permettant d'inclure du relief, des ombres.

La croix du chœur, œuvre du forgeron du village de Monique Midy est là depuis l’origine. La statue de la Vierge qui appartenait au Père Wresinski a longtemps occupé le bureau de sa baraque du Camp.

Tant d’événements forts se sont déroulés dans et devant cette chapelle : les fêtes religieuses bien sûr, mais aussi des événements qui ont marqué son histoire. Parmi les enterrements, demeure ainsi le souvenir de cette messe en décembre 1960 autour des corps de deux petits enfants décédés lors d’un incendie dans un "igloo ". C’est au cours de cette cérémonie funèbre que Francine de La Gorce a pris la décision d’un engagement définitif, devenant ainsi la première volontaire permanente de cette toute jeune association, ATD-Quart Monde. C’est en partageant la prière désespérée aux côtés des familles du camp, que Geneviève de Gaulle a senti un appel à s’engager durablement. D’une certaine manière cette messe d’enterrement dramatique dans la chapelle sera un événement fondateur dans l’histoire de ce combat pour la dignité.

Vers 1968-1969, au moment de la suppression du Camp, la Chapelle a été déplacée « pierre par pierre » de son point d’origine (l’Ecole van Gogh actuelle) à son emplacement d’aujourd’hui à l’angle de la rue des Hauts Roseaux et de la rue Jules Ferry. Elle témoigne de la beauté et de la solidarité, vécues, ressenties, partagées au fil de années dans sa petite nef.

Labellisée "Patrimoine du XXe siècle", classée au titre des monuments historiques en avril 2016, il fallait faire disparaître les « outrages du temps ». Des travaux de restauration ont commencé en juillet 2019. La rénovation a permis de mettre aux normes le bâtiment et lui permet de se projeter dans l’avenir tout en respectant le plus possible la structure d’origine. Les étapes principales des travaux : dépose de la couverture en fibrociment, restauration de la charpente et de la toiture, rénovation des murets latéraux et des vitraux. Restauration de la statue de la Vierge, nettoyage des trois vitraux existant de Jean Bazaine tandis que les deux vitraux manquants seront remplacés par des créations respectueuses de l’artiste.

Aujourd’hui, la Cité Promotionnelle du Château de France a été démolie car elle était devenue insalubre. Ses habitants semblaient avoir eu du mal à s’adapter « à ce nouveau confort ». Mais lorsque sa destruction a été annoncée, ils ont tout fait, retrouvant ainsi la solidarité passée, pour qu’elle ne disparaisse pas.

Actuellement les 820 logements Emmaüs et les copropriétés ont fait l’objet d’une rénovation harmonieuse (tous ont choisis des couleurs identiques ou très proches). Le quartier est toujours un quartier populaire, très métissé. On y voit toutes les tenues traditionnelles, on y entend toutes les langues, On y entend souvent le « youyou » des femmes lors des mariages……Il faut espérer qu’avec la nouvelle gare de RER, les indésirables (les dealers pour ne pas les citer et de trop nombreux « piliers de bar ») vont s’éloigner du quartier. Car aujourd’hui, il ne lui manque plus grand-chose pour être un quartier agréable dans lequel il fait bon vivre. 

Ce récit a été réalisé grâce à des documents de la DRAC Ile-de-France, du journal Le Parisien et du site « Noisy-le-Grand et son histoire »

Avant de terminer, qu’est-ce qu’un Champi ? C’est d’après le dictionnaire un enfant trouvé dans les champs. George Sand a écrit François le Champi (paru en 1848). François est un champi élevé par sa nourrice Zabelle. Mais Cadet Blanchet, le meunier chez qui elle loge, l'oblige à s'en séparer. Le jeune garçon est alors recueilli par Madeleine, une femme au grand cœur qui n'est autre que l'épouse de… Cadet Blanchet.

 

Annie R.

Janvier 2024

 


Lettre de novembre 2023 :

 

Noël en Afrique

 

L’esprit de Noël en Afrique est marqué par l’humilité et la modestie, des valeurs culturelles qui prévalent parmi les populations africaines. Les célébrations de Noël sont l’occasion de se rassembler, de se réjouir et de partager des moments précieux en famille et entre amis. Malgré les défis économiques, les Africains savent faire preuve de créativité et de résilience pour créer une ambiance joyeuse et chaleureuse pendant cette période spéciale de l’année.

Je vais essayer de vous retracer les traditions dans certains pays. Mais je ne prétends pas être exhaustive, je pense qu’il y a des traditions dans de nombreux autres pays.

Noël en Afrique est une fête colorée, animée par la musique, les chants et les danses, où les gens se rassemblent pour célébrer les valeurs de la famille, de l’amitié et de la générosité. Oubliez la neige, les sapins et le vin chaud. C’est une période de partage et de solidarité, où l’esprit de Noël se manifeste à travers la joie et l’amour partagés entre les individus et les communautés du continent africain.

En Afrique du Sud, les activités extérieures en période de Noël incluent habituellement des chants, mais aussi, plus inhabituel de la natation et du camping. La plage et les montagnes jouent un rôle important à Noël en Afrique du Sud parce que la fête se passe pendant la plus chaude période de l’année – l’été. Étant donné la météo agréable pendant les fêtes, les familles en profitent aussi pour aller visiter la campagne et se relaxer le soir de Noël. Un riche menu comprenant un cochon de lait ou un rôti de bœuf, une dinde, du riz jaune, des légumes et des desserts fait habituellement parti du traditionnel dîner de Noël.

Pour créer une ambiance festive, des branches de pin et de sapin décoré, de la ouate brillante et des guirlandes sont utilisés dans les foyers et les entreprises comme décorations. 

Alors que les Sud-Africains se réunissent à la plage pendant la période de Noël et profitent des eaux chaudes de l’été, les gens d’autres pays africains, se rassemblent souvent sur les places et dans les rues pour marcher, chanter et profiter d’un sentiment général de gaieté. Malgré la similitude apparemment générale des activités, cependant, les pays ont leur propre style qui fait de Noël une célébration unique. 

De toutes les célébrations des pays africains, les activités de Noël en Éthiopie se distinguent par leur différence dans la façon de les célébrer et de les faire. L’une des caractéristiques qui fait que le Noël éthiopien est différent, c’est que l’événement principal de la célébration a lieu le 7 janvier, un jour connu sous le nom de l’Épiphanie ou le jour des Trois Rois de l’Amérique du nord et du sud.

Traditionnellement appelé Ganna, un Noël éthiopien commence généralement par une journée de jeûne, suivie de services religieux et d'une fête qui comprend du ragoût, des légumes et du pain au levain. Bien que la plupart des amis et des familles n'échangent pas de cadeaux, les communautés se rassemblent pour jouer à des jeux et faire du sport et profiter des festivités ensemble avant de retourner au travail.

Les repas de Noël sont appréciés par les familles à l’extérieur, où tout le monde partage le repas à l’ombre d’un arbre tentaculaire, plutôt que de s’asseoir dans un cadre formel à une table. Comme c’est le cas dans tous les foyers au moment de Noël, les Ethiopiens échangent des cadeaux aussi. Les cadeaux de Noël les plus échangés sont : tissu de coton, savons, bonbons, crayons et livres et autres objets pratiques qui peuvent être facilement utilisés. Encore une fois, cela peut être lié à la modicité des ressources financières, ainsi qu’aux normes culturelles. Les individus ne sont pas en mesure de s’offrir des cadeaux extravagants, mais ils veulent toujours surprendre les enfants, la famille et les amis à Noël avec un cadeau inattendu. La norme culturelle généralement répandue d’humilité et de modestie qui existe parmi les peuples africains, joue également un rôle important dans la non-extravagance à Noël.

La veille de Noël est très importante en République Démocratique du Congo. Les églises accueillent de grandes soirées musicales (de nombreuses églises ont au moins 5 ou 6 chœurs) et une pièce de théâtre de la nativité. Ces pièces durent très longtemps, commençant en début de soirée avec la création du jardin d’Eden et se terminant par l’histoire du roi Hérode tuant les bébés garçons. Le jour de Noël, les familles se réunissent autour d’un repas festif, souvent à base de poulet ou de porc, sans oublier le plat national congolais, le poulet moambe. Il est fait avec de l'huile de palme, de la noix de cola, de la malaguette - Plante d'Afrique et d'Asie dont les graines ont un goût poivré -, de l'oignon, des courges et de l'ail. Le poulet est découpé et assaisonné de sel, d'ail et de piment, puis cuit avec des oignons.

En Egypte : Dans ce pays, la plupart des chrétiens appartiennent à l’Eglise Copte Orthodoxe et sont la seule partie de la population à célébrer Noël. L’Eglise Copte Orthodoxe suit le calendrier copte, de sorte que les chrétiens coptes célèbrent la naissance de Jésus-Christ le 7 janvier. L’Avent dure du 25 novembre au 6 janvier.

Le 6 janvier les chrétiens cptes assistent à un service religieux spécial, qui commence vers 22 heures et se termine peu après minuit, mais certains durent jusqu’à l’aube. A la fin du service de Noël, ils rentrent chez eux pour rompre le jeûne. Le jeûne de Noël, dure 48 jours, du 25 novembre au 5 janvier. Tous les plats contiennent du bœuf, de la volaille, des œufs et toutes les autres choses qu’ils n’ont pas mangées pendant le jeûne de l’avent, comme le Fatteh. Les secrets d’un bon fatteh résident, entre autres, dans la tendresse de la viande. Celle-ci doit être d’abord couverte d’eau bouillie et cuire ainsi pendant une heure à feu moyen. La viande est ensuite chauffée dans une poêle avec deux cuillères à soupe de ghee (beurre clarifié). L’objectif étant de la colorer, et non de la frire ! Autre point essentiel de ce plat égyptien : la sauce tomate, que l’on laisse mijoter avec de l’ail, du vinaigre, de la coriandre, de la muscade et de la cardamome. On fait ensuite revenir les morceaux de pain dans une poêle, jusqu’à ce qu’ils soient dorés et croustillants. En parallèle, on fait cuire du riz. 

 

Au Libéria, La célébration de Noël au Liberia est bien différente. Si partout, comme habituellement à Noël, on reçoit des cadeaux et les enfants attendent impatiemment le Père Noël, c’est exactement le contraire au Liberia. C’est aux gens d’offrir des cadeaux à leur Père Noël nommé le « Old Man Bayka » ou le vieil homme Bayka qui sillonne les rues de la ville appelant « My Christmas on you » (mon Noël sur toi). Tout le monde demande aux personnes autour de soi quelque chose de joli pour Noël. Bayka est une déformation du mot anglais « Beggar » qui signifie mendiant. Au Liberia, l’anglais est langue officielle.

 

Au Bénin, les célébrations de Noël sont un peu différentes. Dès la mi-décembre, sous une température de 32° environ, les enfants portent leurs plus beaux costumes et déambulent dans les rues, dansant et chantant dans un grand carnaval à couleurs vives. 

Vers mi-novembre et durant tout le mois de décembre, dans les rues au Bénin, des groupes d’enfants ou d’adolescents accompagnant un masque. Il s’agit des groupes de Kaléta. C’est souvent un groupe d’une dizaine de personnes, une bande structurée en chanteurs en joueurs d’instruments avec un ou deux enfants accoutrés et masqués. Ils circulent de maisons en maisons offrant leur show et moyennant une gratification. Des chansons populaires de Noël sont exécutées et le Kaléta (le masque) danse avec brio. Après la gratification, une chanson de remerciement ferme la marche. Mais lorsque le spectacle n’est pas suivi du geste attendu, la séance est conclue avec une chanson dédiée à l’avare, tout ceci dans une ambiance conviviale.

Kaléta, à l’origine est importé du Brésil. C’est l’héritage du retour massif d’anciens esclaves du Brésil sur le Golfe du Bénin entre 1830 et 1835. Il ressemble assez bien au Buriyan, danse festive de masques caractéristique des milieux Agouda (nom donné aux afro-brésiliens) de la ville de Ouidah (Anciennement cité de départ des esclaves).

Depuis lors, la tradition du Kaléta a été appropriée et transmise de génération en génération par les enfants au Bénin. Cette tradition reste néanmoins un show exclusif de la période de Noël durant lequel les enfants se font vraiment plaisir entre la joie de chanter, de jouer en groupe....

Les familles les plus aisées ont adopté le sapin qui est pourtant une tradition des pays tempérés et décorent leur habitation et l'arbre de Noël. Des cadeaux sont déposés sous le sapin le soir du 24 décembre.

Le matin du 25 décembre, le repas spécial pour Noël se partage en famille. Les familles les plus croyantes vont à la messe de Noël

Mais, contrairement aux pays occidentaux où la tradition de Noël est beaucoup plus ancienne, nombre d’états africains comme le Cameroun ou le Sénégal fête Noël comme chez nous, comme beaucoup de pays colonisés d’Afrique héritiers de cette manifestation avec la décolonisation. Avec la mondialisation des échanges culturels et la laïcisation de la société, les festivités liées à Noël ont progressivement pris un caractère plus profane et familial et sont de plus en plus déconnectées de l'interprétation religieuse qu’on lui a attribué au départ. Pour certains, Noël est redevenu une fête païenne où, généralement, des membres d'une même famille se retrouvent et s'échangent des cadeaux entre eux selon un rituel assez universel. Ces Africains ont adopté le sapin qui est pourtant une tradition des pays tempérés et décorent leur habitation et l'arbre de Noël. Ils installent le soir du 24 décembre pour le réveillon de Noël des chaussures de tous les membres de la famille au pied de l'arbre ; Ils ouvrent les cadeaux quelques heures après, souvent le matin du 25 décembre.

Le repas spécial pour Noël se termine souvent par une bûche de Noël.

Ce rituel se retrouve également à l'échelle d'une population locale avec la décoration des rues et vitrines de magasin des villes et villages dès le début du mois de décembre, la venue du père Noël sur les marchés ou dans les écoles maternelles

 Les Sénégalais, toutes tendances confondues, profitent pour organiser des compétitions sportives locales et des festivals de musiques locales en plein air. Pour marquer l’unité et affirmer l’identité sénégalaise, on fabrique un sapin de Noël avec le baobab. Ce symbole du Sénégal, fait en bois, est décoré avec des mini-calebasses, des étoiles en papier qui renferment des prédilections et ornent églises et mosquées. Le repas essentiel de Noël est le « TiebouDieune » composé de riz et de poisson aux épices typiquement sénégalais.

Pour terminer, dans l’archipel de Cap-Vert, composé de 10 îles dont chacune est unique, les températures hivernales sont chaudes, ainsi, les célébrations de Noël y sont différentes. Beaucoup de gens passent Noël à la plage. Certaines îles transforment les célébrations en de véritables compétitions sportives auxquelles participent des athlètes de toute l’Afrique. A la fin de ces compétitions, les athlètes, auxquels se joignent des personnes ordinaires, plongent tous dans l’océan pour se purifier des péchés de l’année passée. Noël y est aussi connu par les repas prolongés en famille. La tradition est d’offrir des cadeaux à la famille et aux proches. La veille du Jour de l’An, des feux d’artifice spectaculaires sont tirés au ciel et tout le monde danse dans les rues et assiste à des concerts en plein air.

Vous faire rêver est le seul but de cette lettre. Je vous souhaite à tous et toutes de passer de très bonnes fêtes de Fin d’année. Et, si je trouve des idées (ou si vous en avez) peut-être de nouvelles lettres en 2024 ? 

Annie R.

Décembre 2023

 


Lettre du mois de Novembre 2023 :

 

l’Histoire de Trianon

 

Comme je vous l’avais promis lors de notre visite à Trianon, je vais essayer de vous résumer un peu les origines de ce magnifique domaine. 

Non loin du Château universellement connu, Louis XIV donne libre cours à son amour de l’architecture et des jardins en créant un domaine réservé à son usage personnel. Aménagés à l’emplacement d’un ancien village, les lieux ont conservé tout naturellement le nom : Trianon

En 1663 et 1665, Louis XIV achète aux moines de l'abbaye Sainte-Geneviève de Paris les terres et le village de Trianon que les agrandissements progressifs du domaine, au nord-ouest du parc de Versailles, finissent par annexer. L’église et les bâtiments sont rasés et un premier jardin est rapidement dessiné. Deux ans plus tard, en 1670, le roi demande à Louis Le Vau les plans d’un petit château destiné à son usage exclusif. Le Vau, qui meurt le 11 octobre de la même année, laisse un projet qui est mené à bien par son gendre et successeur François II d'Orbay.

Achevé en 1672, moins d'un an plus tard, le premier château de Trianon, dit « Trianon de Porcelaine », va demeurer quinze ans. En faïence, très fragile, il subit rapidement l’usure du temps et cesse de plaire au roi qui ordonne sa démolition en 1686, pour faire édifier à sa place une demeure plus vaste et d’un style résolument différent.

Louis XV puis la reine Marie-Antoinette tombent à leur tour sous le charme des lieux et contribuent à son développement et à son embellissement.

Le domaine de Trianon comporte trois parties : Le Grand Trianon, le Petit Trianon et le Hameau de la Reine. 

Le Grand Trianon a été créé par Louis XIV qui fait tout d’abord bâtir en 1670, à l’extrémité du bras nord du Grand Canal, un premier petit château, le Trianon de Porcelaine, pour y fuir les fastes de la Cour et y abriter ses amours avec Madame de Montespan . Il est bientôt remplacé par le Trianon de marbre ou Grand Trianon. Le nom de Trianon de marbre vient du marbre de Languedoc qui habille une partie de ses façades.  Celui-ci a été élevé par Jules Hardouin-Mansart en 1687 sur l’emplacement du « Trianon de Porcelaine ». Le Grand Trianon est sans doute l’ensemble de bâtiments le plus raffiné de tout le domaine de Versailles.

Jules Hardouin-Mansart, comte de Sagonne, né le 16 avril 1646 à Paris et mort le 11 mai 1708 à Marly-le-Roi, est un architecte français. Il fut Premier architecte du roi Louis XIV et surintendant des Bâtiments du roi. Il est le petit-neveu de l'architecte François Mansart (considéré comme le principal précurseur de l’architecture classique en France)

Selon la description de Jules Hardouin-Mansart , le Grand Trianon est un « Petit palais de marbre rose et de porphyre avec des jardins délicieux », qui respecte à la lettre les indications d’un Louis XIV suivant la construction de très près au point de décider lui-même de la construction du Péristyle. Très influencé par l’architecture italienne, ce palais s’étend sur un seul niveau, placé entre cour et jardin, recouvert d’un toit plat, dissimulé par une balustrade, autrefois agrémentée de groupes d’enfants, de vases, de figures sculptées.

Louis XIV est de facto l'auteur de tous les choix architecturaux, c'est lui qui refuse les grands toits à la française que lui propose Mansart et opte pour les toitures basses qui disparaissent derrière le couronnement, à l'italienne, où même les bouches de cheminées n'en dépassent pas. Il est également l'auteur du péristyle. Si le dessin de l'arcade est de Robert de Cotte, l'idée de la percée centrale qui permet de voir le jardin est de Louis XIV. Les arcades sont prévues pour être fermées par des menuiseries, mais la décision de ne pas les poser a été prise alors que Mansart est allé prendre les eaux. La tradition veut alors, qu'on adapte la qualité de la pierre à la nature de la partie traitée, Louis XIV impose l'emploi d'une seule qualité de pierre pour l'unité de couleur : le marbre. Celui-ci règne en maitre au Grand Trianon et témoigne du goût de Louis XIV. Cette architecture hybride et singulière est caractérisée par l’emploi de plusieurs marbres issus des carrières françaises : les pilastres sont en marbre de grand incarnat de Caunes ( c’est ce qu’on appelle aussi Marbre du Languedoc, de couleur rose pâle à rouge sang, veiné de blanc) les colonnes en Campan grand mélange ( prés de Bagnères de Bigorre dans les Hautes Pyrénées, marbre vert veiné de rouge et d'orange) et les chapiteaux en marbre blanc de Saint-Béat (dans le département de la Haute-Garonne sur les communes de Saint-Béat et de Lez dans le massif des Pyrénées, de couleurs variées).

Renommé pour ses jardins réguliers, « rempli de toutes sortes de fleurs d’orangers et d’arbrisseaux verts », rapporte André Félibien (1619-1695, architecte et historiographe français), « le Trianon de marbre (ancien nom du Grand Trianon) est environné, dès sa construction, de parterres et de terrasses ornés de plusieurs dizaines de milliers de fleurs les plus odorantes. Enterrées en pots afin de pouvoir être changées tous les jours ( voire deux fois par jour) et créer ainsi un spectacle fleuri et embaumé, ces plantes offrent un décor vivant qui anime la perfection de cette architecture tout entière ouverte sur les jardins ».

Au fil du temps et des différents régimes, il est le lieu de résidence ou de séjour de plusieurs figures royales françaises ou étrangères, dont Louis XIV, Pierre Ier de Russie ou encore Marie Leszczynska, épouse de Louis XV (Celui-ci se désintéresse totalement du lieu, mais y vient pour chasser. Il y éloigne donc la reine, qui y réside dès août 1741). Plus récemment y ont séjourné le général de Gaulle, ou des chefs d'État étrangers en visite officielle en France, comme le président américain Richard Nixon en 1969, ou la reine Élisabeth II en 1972.

 

Le Petit Trianon est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre d’Ange-Jacques Gabriel (Premier architecte du Roi, 1698-1782). Il s’impose comme un manifeste de l’architecture néoclassique.  Le chantier de ce qui porte encore le nom de « Pavillon du Roi » est confié à Louis Le Dreux de La Châtre, l'un des meilleurs architectes de l'équipe d'Ange-Jacques Gabriel. Soixante-quinze tailleurs de pierre et cent vingt maçons sont mobilisés. Les fondations sont faites fin 1762. Le gros œuvre s'étend sur les deux années suivantes et l'édifice est couvert en 1764. Lors des campagnes de 1765 à 1768, on réalise les sculptures, la menuiserie, la serrurerie et la peinture. Afin de donner un air nouveau à la décoration, un nouvel artiste, Honoré Guibert, qui travaille « dans le goût grec »

Le goût du roi Louis XV pour les sciences botaniques en est à l’origine. Le petit château avait été en effet commandé pour se trouver au cœur des jardins que Louis XV s’était attaché à développer depuis les années 1750 et qui, à sa mort, comptaient parmi les plus riches d’Europe. Édifié pour Madame de Pompadour qui meurt avant de le voir achevé, il est inauguré par madame du Barry en 1768, presque vingt ans après les premiers aménagements du Nouveau jardin du roi. Car, s'il est le plus imposant du domaine du Petit Trianon, il n'en est pourtant pas le premier bâtiment, mais se situe au contraire dans la continuité d'un projet qui s'étale sur quatre décennies. Il est offert par Louis XVI, dès son avènement, à sa jeune épouse Marie-Antoinette qui lui donne son empreinte, associant pour toujours, dans l'imaginaire du public, l'édifice et la reine Hormis l’actuel jardin français, les lieux ont ensuite été profondément remaniés par Marie-Antoinette qui y fit aménager, à partir de 1775, un vaste jardin paysager.

De plan carré de vingt-trois mètres de côté, l'édifice doit sa particularité à ses quatre façades comprenant cinq hautes fenêtres scandées par des colonnes ou pilastres de l'ordre corinthien. En raison de la déclivité du terrain, le rez-de-chaussée du château n'est accessible que par les faces donnant sur le sud et sur l'est ; cet étage est réservé au service. L'étage « noble », où l'on entre par le grand escalier d'un vestibule conçu comme une cour intérieure, comprend les pièces de réception et l'appartement de la Reine. Un entresol de trois pièces abrite la bibliothèque de Marie-Antoinette. Plusieurs logements autrefois attribués à Louis XV et sa suite accueillent aujourd'hui l'évocation des « Dames de Trianon », ces femmes qui ont imprégné ces murs de leur marque.

Epargné par les années et notamment par la Révolution, il demeure le « château des femmes », bénéficiant au XIXe siècle de l'engouement des souveraines Marie-Louise, Marie-Amélie et Eugénie. Les campagnes de restauration réalisées au début du XXIe siècle lui redonnent l'allure qu'il avait le jour où Marie-Antoinette le quitte pour la dernière fois, comme si le temps s'était arrêté.

 

Le Hameau de la Reine est une dépendance du Petit Trianon. Ce hameau d'agrément est commandé durant l'hiver 1782-1783 par la reine Marie-Antoinette qui souhaite s'éloigner des contraintes de la cour de Versailles, avec la nostalgie d'une vie plus rustique, dans un décor de nature, un petit paradis où le théâtre et la fête lui feraient oublier sa condition de reine. Ce lieu champêtre, qui était aussi une exploitation agricole, marque l'influence des idées des philosophes des Lumières sur l'aristocratie de l'époque.

Cet aménagement se fait en deux phases distinctes ; La première, à partir de 1777, correspond à la création de ce qu’on a appelé le Jardin Anglais. Dans un second temps, en 1783, elle demande à Richard Mique (un architecte français d'origine lorraine, en 1728 et mort guillotiné en 1794) un projet sur la base du Hameau de Chantilly.

Autour d'un étang artificiel pour la pêche à la carpe et au brochet, Richard Mique fait ériger douze chaumières à pans de bois, d'inspiration normande ou flamande, dans la partie nord des jardins, aux abords du Petit Trianon et dans le prolongement du jardin anglais. Une ferme pour produire du lait et des œufs pour la reine, une tour en guise de phare, un colombier, un boudoir, une grange, un moulin, une maison pour le garde sont ainsi construits, chaque bâtiment étant agrémenté d'un potager, d'un verger ou d'un jardin fleuri. La plus importante de ces maisons est la « Maison de la Reine » au centre du hameau, que divise une rivière traversée par un petit pont de pierre.

Abandonné après la Révolution française, le hameau de la Reine a fait l'objet de trois campagnes majeures de restauration : l'une menée par Napoléon Ier de 1810 à 1812 représente l'essentiel de la base actuelle. La deuxième a été réalisée grâce au mécénat de John Rockefeller Jr dans les années 1930. Enfin, le hameau a été rénové à partir des années 1990.

 

J'espère avoir rappelé de bons souvenirs à ceux qui ont eu la chance de participer à cette sortie

 

Annie R.

Novembre 2023

 


  Lettre de Octobre 2023 :

Noisy-le-Grand : Ses habitants célèbres (2)

 

Comme je vous le disais en terminant ma lettre de Septembre, voici l’histoire de personnalités de Noisy-le-Grand.

 

-GERARD VICAIRE (1927-2018)

Gérard Vicaire est un talentueux costumier, décorateur et brodeur qui a installé son domicile à Noisy dès 1954, son atelier, qui ne paye pas de mine lui est situé dans des couloirs étroits au 1, rue Richier dans le IXe arrondissement. On peut y rencontrer le même jour, dans la salle d’essayage le directeur du cirque Pinder, Claude François, Sylvie Vartan, Henri Varna, le directeur du Casino de Paris et quelques danseuses dénudées des Folies Bergères.

La maison a été créée en 1927 par Henri Vicaire, son grand-père. Il est lapidaire et importateur de cristallerie de Bohême et fournit les couturiers parisiens en broderies, strass, tubes et paillettes, son fils Claude l’aide. Quand Claude rencontre la mère de Gérard, Simone Raffier, ils décident de se mettre à leur compte et de confectionner des robes du soir et des sacs en satin brodé. Alors qu’ils se font copier leurs confections par d’autres, la chance met sur leur chemin Henri Varna. En 1931, le directeur du Casino de Paris qui a remarqué leur talent, décide de leur transmettre le secret de l’assemblage des costumes pour le music-hall. Son père gère l’administratif et la conception, sa mère s’occupe plutôt des relations publiques. Alors pensionnaire à Chartres, Gérard Vicaire est un élève studieux par obligation mais passe son temps libre à dessiner. Sa mère ne souhaite pas qu’il fasse le même métier qu’eux et devienne médecin. Il passe alors l’examen de vétérinaire et le réussit. Mais sa rencontre avec celle qui deviendra son épouse va changer sa vie. Pas question de passer encore des années dans les livres, il devient simple employé dans l’entreprise familiale. Puis ses talents de dessinateur sont reconnus et il crée ses premiers costumes. Il commence à réaliser tout ce qui est imaginable du simple bijou de spectacle aux rideaux de scène, des costumes des revues françaises et étrangères (Lido, Moulin Rouge, Holidays on Ice), des costumes de théâtre notamment pour le théâtre Mogador, des robes de spectacles (Dalida, Brigitte Bardot, etc ….) mais son violon d’Ingres reste le costume de clown..

Jusqu’en 1992, date de la fermeture de la maison de couture (qui sera reprise 10 ans plus tard par Corine Valentin) Gérard Vicaire réalise plus de 400 costumes qui seront sur les épaules des plus grands clowns du monde.

Un Vicaire est plus qu’un costume de piste, c’est une œuvre d’art, une pièce de musée constituée de 100 000 à 150 000 paillettes toutes posées à la main selon une technique dite "Lunéville" consistant à saisir un fil (sur lequel sont enfilées des paillettes ou des perles), le tordre et le passer dans l’étoffe, pour former une maille ou un point de chaînette grâce à un petit crochet donnant un point plus régulier.

Sa réputation est telle que l’on achète « un vicaire » comme on achète un Stradivarius. Il fait don en 1947 de 145 maquettes de s collection au Musée des Arts et Traditions populaires. Il cesse son activité en 1993. Jusqu’à sa mort en 2018, ses « choupinettes » comme il appelait ses brodeuses l’appelaient pour son anniversaire.

 

- CLAUDE TERRASSE (1867-1923)

C’est un compositeur français d’opérettes indissociable du peintre Pierre Bonnard et de l’écrivain Alfred Jarry. Il est considéré par certains comme le successeur d’Offenbach. Passionné de musique dès son plus jeune âge, il va devenir organiste à Auteuil. Il va alors connaître la double vie commune à plusieurs musiciens : organiste le jour pour gagner sa vie et compositeur d’opérettes car c’est le théâtre qui l’attire. Il va alors rencontrer Pierre Bonnard (peintre impressionniste) qui l’introduit dans le mode artistique de la capitale. En 1890, il épouse la sœur de Pierre, Andrée. Il devient le musicien emblématique des milieux loufoques et des groupes artistiques dits incohérents qui se regroupent au Chat Noir et dans les cafés de Montmartre. Claude Terrasse étant d’une bonne humeur communicative, il va alors rencontrer l’écrivain Alfred Jarry. Ce dernier écrit Ubu Roi, créé au Théâtre de l’œuvre en 1896. Il s’agit d’un spectacle musical dont Terrasse a signé la partition.

Avec Bonnard et Jarry, Terrasse va se lancer dans l’aventure du « Théâtre des Pantin » qui offre des spectacles iconoclastes joués par des marionnettes. Le texte est de Jarry, les décors et programmes de Bonnard et la musique de Terrasse. Ce dernier obtient vite une grande notoriété. Il va écrire par mois de 54 opérettes. 

Mais la première guerre mondiale va couper court à son succès.

Claude Terrasse a habité à Noisy de 1897 à 1899. Pierre Bonnard a pris de nombreux clichés de ses neveu et nièce lors de ses visites à la maison de Noisy. Un tableau intitulé « Cour de Ferme » (1898) est le résultat d’un cliché pris à Noisy-le-Grand. Alfred Jarry vient à vélo à Noisy pour voir ses deux compères.

Claude Terrasse aimait beaucoup l’absinthe. Il va mourir d’alcoolisme en 1923.Il repose au cimetière de Montmartre. 

 

- BERNARD NAUDIN (1876-1946)

Né à Châteauroux en 1876 et mort à Noisy en 1946, Bernard Naudin est un peintre, dessinateur, caricaturiste et graveur français. Nanti d'une bourse de la ville de Châteauroux, il est reçu à l'École des beaux-arts de Paris en 1897 où il suit les cours de Léon Bonnat. Il expose des toiles à sujets militaires au Salon des indépendants, dont La Charge de Valmy et Engagement d'avant-garde (Châteauroux, musée Bertrand). Bientôt il partage son temps entre un atelier à Paris et sa ville natale où il participe au cabaret « Le Pierrot noir ».

Il épouse Marie Louise Albessard en 1906

À la même époque, il délaisse la peinture pour se consacrer au dessin et à la gravure, surtout l'eau forte. Il collabore à L'Assiette au beurre de décembre 1904 à mai 1909, donnant des numéros spéciaux : « Assez » (sur la guerre russo-japonaise), « La Mouise » (sur les clochards), « L’Enfance coupable » (sur l'enfance maltraitée), « Biribi » (le bagne). Il donne également une dizaine de dessins aux Temps Nouveaux de Jean Grave (1905-1914).

En 1914, la guerre mondiale éclate et il est mobilisé comme sergent d’infanterie. Il devient illustrateur de guerre et montre la vie des tranchées. Son engagement sur le front de l'Aisne lui vaut la Légion d'honneur.

En 1924, il est chargé de dessiner le diplôme des Jeux olympiques d'été.

Il est célèbre pour ses représentations de déshérités, de scènes de la vie berrichonne, du monde du cirque, de la musique, de la vie mondaine, du sport

 

Il habite au 31 rue du Brayer dans la maison qu’occupait Claude Terrasse où il décède à l’âge de 69 ans.

 

- DAVID OLERE (ou OLER)( 1902-1985)

Il naît à Varsovie en 1902. Il est le cadet de trois frères. Son père est médecin et sa mère sage-femme. 

David Olère étudie la peinture aux Beaux- Arts de Varsovie jusqu’en 1918, puis quitte la Pologne pour Dantzig et Berlin. Entre 1921 et 1922, il est engagé par l’Europaïsche Film Allianz comme assistant architecte, peintre et sculpteur. À Berlin, il travaille avec Ernst Lubitsch et réalise les décors pour Les Amours de Pharaon, joué par Emil Jannings. Il fréquente également l’actrice Pola Negri. En 1923, David "monte" à Paris, qui est considérée à l'époque comme la ville phare des écrivains, des artistes et des intellectuels. Il s'installe à Montparnasse et fréquente le Dôme et la Coupole. Il rencontre les peintres Max Ernst et Modigliani. Il fait partie de "la Horde". Il enseigne à l'Académie de la "Grande Chaumière" et devient affichiste chez Paramount Europe. Décorateur de cinéma, il réalise aussi des costumes de films et des affiches de publicité pour la Paramount Pictures, Fox Films et Columbia Pictures.

En 1930, il épouse Juliette Ventura, une jeune modiste de 22 ans née à Smyrne en Turquie. De leur union naîtra Alexandre Oler. En 1937, il se fixe à Noisy-le-Grand. Cette même année, il est naturalisé français. À la déclaration de la guerre, Olère est mobilisé au 134e régiment d’infanterie à Lons-le-Saunier, dans le Jura. A la défaite, David est rendu à la vie civile. Mais la Paramount ferme ses portes et il se retrouve au chômage. Sa famille va devoir porter l'étoile jaune et subir les restrictions et humiliations qui vont avec. Le 20 février 1943, il est arrêté, interné à Drancy, puis déporté à Auschwitz. Convoi no 49. Il survit grâce à ses qualités de dessinateur. Il parle plusieurs langues : polonais, russe, yiddish, français, anglais et allemand.

Le 19 janvier 1945, lors de l’évacuation d’Auschwitz, il est contraint de participer à « la marche de la mort ». Il passe successivement par les camps de Mauthausen, Melck et Ebensee, où il est libéré par l’armée américaine. À la Libération, Olère dessine son Mémento, cinquante dessins descriptifs de l’univers concentrationnaire. Respectant le serment fait à ses camarades exterminés, il dénonce dans son œuvre les crimes nazis, pour empêcher l’oubli et honorer les martyrs de la Shoah. Ses œuvres sont conservées au Museum of Jewish Heritage de New York.

Le 2 août 1985, David Olère décède à Noisy-le-Grand-le-Grand. « Il a été tué non par l'âge ou la maladie, mais en apprenant qu'un universitaire français osait enseigner à la jeunesse que ce qu'il a vécu quotidiennement de 1943 à 1945 parmi des millions d'autres, n'a jamais existé. » (dixit Alexandre Oler son fils)

 

- EMILE SUREAU (1795-1884)

A 17 ans, celui qui va devenir le Docteur Sureau connaît les horreurs de la guerre vu qu’il accompagne son père, pharmacien de la Garde Impériale, pendant la campagne de Russie. Ce dernier meurt pendant la retraite. Le 16 juin 1815 Emile Sureau prend part à la bataille de Ligny. Le général Blücher est défait Ce sera la dernière victoire de Napoléon. 

Le docteur Sureau s'établit à Noisy-le-Grand en 1832. C'est le temps des diligences et des voitures de louage à 30 sous l'heure. Le bol de café au lait coûte 15 sous à l'auberge et un ouvrier agricole gagne en été 2,25F pour une journée de douze heures. 

Jean Mathieu Émile Sureau a 37 ans. Il vient de passer 10 années à Haïti où son talent de médecin et son héroïsme lors du tremblement de terre de 1828 l'ont rendu célèbre, mais il a contracté la fièvre endémique dans ces îles et il a dû rentrer en France. Et dès son arrivée à Noisy, il met toute sa science et toute son expérience au service des Noiséens. Sans relâche, par tous les temps, on le verra apparaître en sauveur au chevet des malades, se souciant peu de savoir s'il sera payé ou non et faisant toujours passer l'appel angoissé du pauvre avant celui du client aisé. Aimé des pauvres, il l'est aussi de la bonne société de la région : la châtelaine de Bry, Mademoiselle de Rigny avec qui il converse en latin, Monsieur Daguerre inventeur de la photographie et artiste peintre retiré à Bry. Il est également lié avec le docteur Jobert ancien chirurgien de l'hôpital St-Louis venu habiter Bry vers 1843 et qui, comme lui, soigne de nombreux malades sans réclamer d'honoraires. Au cours des années, la renommée du docteur Sureau grandit sans cesse et dépasse très largement les limites de Noisy. On vient de loin pour le consulter. En 1869, il est nommé chevalier de le Légion d'Honneur. L'année suivante, on apprend avec retard que la guerre contre la Prusse est déclarée. Après la bataille de Sedan au mois d'août, la route de Paris est ouverte. Le 4 septembre, les Allemands s'emparent de Reims et le même jour à Paris la foule en colère envahit le Palais Bourbon, À Noisy l'inquiétude est grande, les populations des régions envahies refluent vers Paris, vers l'Ouest ou le Centre à la recherche d'un refuge. Exode désolant et cela jusqu'au 13 lorsque sont détruits les ponts de Bry et de Joinville. Les Noiséens quittent le village et avec eux le docteur Sureau. Le 17 septembre, les Allemands sont à Villiers. Les derniers habitants de Noisy, une quinzaine, prennent un bateau pour traverser la Marne. Les Wurtembergeois occupent Noisy. Le général Blumental et son état-major s'installent dans la maison de Pierre Alfred Ruffin, maire de Noisy entre 1865 et 1868 (actuellement Ecole Cabrini). Ils établissent des postes le long de la Marne et à la sortie de Noisy du côté de Bry. A Paris, les Noiséens qui ne pouvaient pas payer le loyer ont été logés dans des maisons indiquées par la préfecture et le docteur Sureau qui a pourtant déjà 75 ans va continuer à s'occuper d'eux, à leur prodiguer ses soins et ses conseils dans les différents quartiers où ils ont trouvé refuge.

Noisy occupé n'a été que peu touché par ces combats. Et pourtant, quelle tristesse lorsque les Noiséens rentrèrent chez-eux après l'armistice de février 1871 et constatèrent toutes les déprédations et tous les pillages commis par les Allemands. Emile Sureau est lui rentré à Noisy où il mourra le 23 mars 1884. Un monument à sa mémoire fut érigé par souscription publique. (Récit d’après Denise Rousseau Sté historique de Noisy (Noisy Magazine trimestriel n° 10 ; 1990 - 2T))

 

- MICHEL SIMON (1904-1975)

Fils d'un charcutier genevois, il quitte sa famille et ses études pour gagner Paris. Il va marquer le théâtre et le cinéma français pendant cinquante ans. Il habite dès 1934, route de Malnoue dans l’ancienne demeure du peintre Théophile Poilpot. C’est l’un des comédiens les plus apprécié du théâtre de Boulevard (environ 50 pièces) mais aussi du cinéma avec plus de 100 films. 

Il réside alternativement dans sa vieille maison de La Ciotat et dans sa propriété de Noisy-le-Grand avec pour tous compagnons, quatre guenons et un perroquet. Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis, c'est son jardin secret. Il a souvent promené dans des lieux publics sa guenon nommée Zaza, qu'il costume. Michel Simon a eu toute sa vie une grande passion pour le sexe. Dans les années 1970, il s’affiche encore volontiers aux bras de tapineuses qu’il présente comme ses « amies ». Il a toujours été un fervent amateur de prostituées et de travestis et lorsqu'elles étaient encore ouvertes, avant 1948, il avait ses entrées dans des maisons closes.

Au premier trimestre de 1975 la santé de Michel Simon se dégrade rapidement. Il ne s'alimente plus et il perd vingt kilos en un mois. Il envisage de tourner pour Bertrand Blier dans Les Valseuses. Il meurt, seul, le 30 mai 1975 d'une embolie pulmonaire à l'hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, à l'âge de 80 ans.

 

Annie R.

Octobre 2023

 


  Lettre de Septembre 2023 :

 

Noisy-le-Grand : Ses habitants célèbres (1)

Voilà, les vacances sont finies. J’espère que pour chacune et chacun, elles se sont bien passées que ce soit à Noisy ou au loin. Tout le monde est en forme pour la reprise ?

Lydie L. et ses amis de l’Association Temps pour Temps ont eu l’idée pendant le confinement d’occuper le temps (c’est le cas de le dire) en effectuant une recherche sur les rues de Noisy-le-Grand. C’est devenu « Si les rues de Noisy m’étaient contées ». Il y avait un chapitre sur « les résistants dans les rues des Richardets », sur « Aéronefs et pilotes »….. Et Lydie a eu la gentillesse de me communiquer tous ces documents pour que j’alimente ma lettre du mois. Une aubaine sauf que …… l’Association Noisy-le-Grand Histoire (NLGH) a prévu de sortir (et c’est son rôle) une « Histoire des Rues de Noisy-le-Grand » cette automne. Et donc, je ne peux prétendre les devancer en faisant une ou plusieurs lettres sur le sujet. 

Aussi, tout comme pour les mois précédents l’été j’ai parlé des habitants célèbres de Seine-Saint-Denis, dès ce mois-ci je vais essayer de citer les principaux personnages qui sont nés dans la zone géographique de Noisy-le-Grand, qui y ont vécu, d’autres qui n’ont fait qu’y passer ou ceux qui y ont fini leurs jours. Il y en a de très connus, d’autres beaucoup moins. Pour ceux très connus, je serais brève, pour les autres j’essayerais de vous les faire découvrir comme ils l’ont été pour moi. Mais, d’après mes recherches, ils sont très nombreux. Aussi j’en ferai la lettre de septembre et celle d’octobre. De plus, je consacrerai une lettre spéciale au Père Wresinski et à son œuvre.

 

- JOSEPHINE DE BEAUHARNAIS (1763-1814)

Marie-Ephémie Désirée de Tascher de la Pagerie épouse en 1759 en Martinique, Alexis Renaudin. Elle se sépare de son mari en 1772 et vient vivre en métropole avec François de Beauharnais, son amant. Ce dernier a eu au moins un fils avec son épouse, Marie Anne Henriette Pyvart de Chastullé : Alexandre. Sa marraine n’est autre que Marie-Ephémie Désirée, la maîtresse de son père.

En 1776, Marie-Ephémie achète la Grande Maison de Noisy-le-Grand, une vaste propriété agricole portant un château de la fin du 17ème siècle, qui abrite actuellement l’ensemble scolaire Françoise Cabrini. Elle vit avec François entre Paris et cette résidence secondaire. Son mari étant mort en 1795, elle épouse François l’année suivante. Et après le décès de celui-ci en 1800, elle se remarie avec le futur maire de Saint-Germain-en-Laye. N’ayant pas eu d’enfant, elle va se préoccuper des filles de son frère dont Marie-Josèphe dite Joséphine. 

Le mariage d’Alexandre et de Joséphine a lieu dans l’église Saint-Sulpice de Noisy-le-Grand le 13 décembre 1779. Cette cérémonie semble s’être faite dans la précipitation. En effet, elle a nécessité trois dispenses épiscopales : dispense de 2ème et 3ème bans, dispense pour célébrer les fiançailles et le mariage le même jour et dispense pour célébrer durant l’Avent. Les époux ont respectivement 19 et 16 ans. Les jeunes époux sont censés passer l’hiver à Paris chez le père d’Alexandre et l’été à Noisy. En fait, Joséphine est souvent seule car Alexandre repart à l’armée et de plus, multiplie les conquêtes féminines. Ils se séparent donc en décembre 1785. Leur union a donné naissance à deux enfants dont Hortense en 1783 qui passe deux ans à Noisy.

Donc, Joséphine, l’impératrice des français a été noiséenne quelques années de sa vie. Le marquis Alexandre de Beauharnais a été guillotiné en 1794. Devenue veuve, elle devient impératrice des Français par son mariage avec Napoléon 1er. 

 

- CONSTANTIN DIMITRIEVITCH BALMONT(1867-1942)

Constantin Dimitriévitch Balmont est un poète russe qui est l'un des chefs de file du courant symboliste dans ce pays. Il naît en 1867 à Valdimir en Russie et meurt en 1942 à Noisy-le-Grand. 

Issu de la noblesse, il commence des études de droit mais il est renvoyé de l'université pour avoir participé à des manifestations d'étudiants. Son premier recueil de poèmes paraît en 1890. Sa poésie s'inspire notamment de ses nombreux voyages à travers le monde. Très prisés et inventifs au début du siècle, ses vers s'affaiblissent vers 1910. 

Il laisse derrière lui une œuvre importante, peu étudiée. Ses principales œuvres sont Sous les cieux du Nord (1894). Laissez-nous être comme le Soleil (1903) et Amour solitaire (1903). Il a également traduit de nombreux auteurs en russe.

Si Balmont a salué la révolution de février 1917, il s'avère hostile à la prise du pouvoir des bolcheviks en octobre. Il quitte la Russie pour la France. Il se lie d'amitié avec le compositeur Serge Prokofiev qui mettra en musique l'une de ses œuvres (Cinq poèmes). Il meurt en 1942 à Noisy le Grand.

 

- MAURICE BAQUET (1911-2005)

Maurice Baquet est un violoncelliste, acteur, sportif et fantaisiste français, né le 26 mai 1911 à Villefranche-sur-Saône et mort le 8 juillet 2005 à Noisy-le-Grand. Il est inhumé au cimetière de Beauregard (Ain)

 Il suit les cours de violoncelle au conservatoire de Lyon puis ceux de Paris où il remporte un premier prix. Ceci ne l'empêche pas d'échouer au concours d'entrée à l'orchestre de l'Opéra de Paris, ce qui le motive à renoncer à une carrière classique.

Il ne quitte pas pour autant son violoncelle. Bien au contraire, l'instrument l'accompagne tout au long de sa vie et l'on se souvient du clin d'œil que lui autorise Joseph Losey le temps d'une courte mais émouvante séquence dans Monsieur Klein. Au début des années 1930, il côtoie Pierre et Jacques Prévert, Roger Blin et rejoint le célèbre Groupe Octobre, un groupe très lié au Parti communiste français. Il s’installe dans son métier de comédien et s'adonne aux beaux textes, en particulier les poèmes d'Aragon et Paul Éluard.

En 1935, il tourne son premier long métrage sous la direction de Marc Allégret, Les Beaux Jours. S'ensuit une filmographie de plus de 80 titres. Sa tête de gamin débrouillard et facétieux lui vaut également le rôle de Bibi Fricotin, puis celui de Ribouldingue dans deux films de Marcel Aboulker.

Il participe aussi à des compétitions de ski d'alpinisme, ainsi qu'à des performances plus humoristiques, telles que sa descente à ski des escaliers de la Butte Montmartre en 1946. Dans le même registre, il descend aussi à ski les escaliers de la Maison de la Radio, à la suite d'un pari.

Son nom a été donné au Conservatoire de Noisy-le-Grand.

 

- CHRISTIAN BOUCHON  (1939-1989)

Peintre singulier et solitaire, il est tout à la fois un visionnaire, un naïf, un témoin de la vie parisienne, un coloriste fou et un dessinateur étourdissant. 

Issu d'une famille ouverte aux arts, Christian Bouchon a fait ses classes à la Grande Chaumière, Très vite il découvre les accords sombres et la véhémence chromatique des grands Vénitiens. Il cultive le goût du mystère et cette double vue qui décèle des abîmes de cauchemar dans les scènes les plus simples de la vie quotidienne.

A 20 ans, alors qu'une carrière prometteuse s'ouvre à lui, Christian Bouchon est terrassé par un accident de circulation qui le laisse le crâne brisé et le cerveau blessé. Désormais, il puise l'énergie de survie dans son art auquel il se livre avec un acharnement rare. Il se bourre d'amphétamines, il connaît épisodiquement les hôpitaux psychiatriques, l'abus des antidépresseurs, mais il résiste à tout. Vers la quarantaine, il découvre le bouddhisme zen. Dans ce milieu il trouve l'apaisement grâce à des appuis amicaux et il rencontre celle qui sera sa compagne des moins mauvais jours.        

Dans son œuvre, on trouve notamment deux pastels mettant en scène Noisy. Le premier est baptisé « Jardin à Noisy-le-Grand » et le second « Bords de Marne à Noisy-le-Grand ». Ces œuvres traduisent le caractère pour le moins torturé du peintre vu qu’ils sont très sombres et qu’il faut beaucoup, beaucoup d’imagination pour reconnaître Noisy.

 

- GUSTAVE JOSEPH CHERET (1838-1894)

Le sculpteur ornemaniste (Spécialiste du dessin ou de l'exécution de motifs décoratifs) Gustave Joseph Cheret fait construire Rue de Malnoue deux maisons et un atelier. Joseph Chéret se forme chez des ornemanistes avant de devenir, vers 1864, l'un des principaux assistants du sculpteur Albert-Ernest Carrier-Belleuse, dont il épouse une des filles en 1868. Auxiliaire précieux pour son beau-père, il s’occupe des affaires quotidiennes de son atelier parisien. Il assimile le style de son maître tout en se construisant une modeste réputation indépendante avec des œuvres qu’il envoie au Salon des artistes français dès 1863. Il collabore avec des maisons d'ornementation comme Christofle à Paris, et Emballer à Vienne, en Autriche, jusqu'en 1873.

À la mort de Carrier-Belleuse, en 1887, il assume brièvement la charge de directeur des travaux d'art de la manufacture de Sèvres restée vacante. En 1891, il expose à la Société nationale des beaux-arts dont il devient membre en 1894.

 

- THEOPHILE POILPOT (1848-1915)

Théophile François Henri Poilpot, né le 20 mars 1848 à Paris où il est mort le 6 février 1915, est un peintre, graveur, affichiste et collectionneur d'œuvres d'art français.

En 1864, il reçoit l'autorisation de faire des copies au musée du Louvre à Paris. Il entre à l'École des beaux-arts de Paris. Son père achète en 1865, une grande propriété au 28, route de Malnoue à Noisy-le-Grand et y fait construire une maison. En 1868, il épouse Jeanne Carrier-Belleuse, fille du sculpteur Albert-Ernest Carrier-Belleuse. Il devient donc le beau-frère de Gustave Joseph Cheret.

Peintre d’histoire, spécialisé dans les représentations de batailles, Théophile Poilpot a été un artiste voyageur. De 1887 à 1892, il a été maire de Noisy-le-Grand tout en poursuivant sa carrière de peintre.

 

- JEAN CONSTANTIN (1923-1997)

Jean Constantin, né en 1923 à Paris et mort en 1997 à Créteil (Val-de-Marne), est un auteur-compositeur-interprète français. Il est enterré à Noisy-le-Grand.

Il a signé des chansons qui sont devenues des standards, telles Mon manège à moi, interprétée par Édith Piaf et Mon truc en plumes chanté par Zizi Jeanmaire, ainsi que de nombreuses musiques de films. D'origines suisse et brésilienne, Jean Constantin est un « autodidacte du piano ». Il apprend seul à jouer de cet instrument en écoutant du jazz et en s'aidant de quelques méthodes.

 

- LOUIS CHARLES ANTOINE ALEXIS MORAND (1771-1835)

Charles Antoine Louis Alexis Morand, né en 1771 à Pontarlier dans le Doubs et mort en 1835 à Paris, est un général français de la Révolution et d'Empire. Lieutenant-général, il est comte et pair de France, également aide de camp de Napoléon Ier et colonel général des chasseurs à pied de la Garde impériale. Ce général a été de toutes les campagnes d'Empire. En 1791, juste après avoir décroché son diplôme en droit, il s'enrôle dans le 2e bataillon du district de Pontarlier. Capitaine en août 1792 puis lieutenant-colonel de son bataillon en septembre. Blessé en 1794, il retourne un temps à la vie civile. Il est envoyé ensuite en Italie de 1797 à 1798, puis participe à la campagne d'Égypte. Il est présent aux Pyramides en 1798 et est nommé chef de brigade provisoire sur le champ de bataille par Napoléon Bonaparte.

En décembre 1807, le 3e corps prend ses quartiers à Varsovie, où il est introduit dans la haute société polonaise. Là, le 23 décembre, au cours d'un bal, Morand rencontre celle qui allait devenir son épouse. 

Morand a le coup de foudre. Il demande à lui être présenté : c'était Émilie Lucile Parys, la fille du comte Parys, colonel au service du roi de Saxe. Morand danse (d'ailleurs assez mal) avec elle ; il la complimente sur son français. Quelques jours après, Morand demande sa main, elle dit oui. En janvier 1808, c'est le mariage à l'église de la Sainte Croix. Le prince Joseph Poniatowski est présent. Dans la corbeille de la mariée, elle découvre des bijoux et trente mille francs en pièces d'or de la part de l'Empereur.

Peu après son mariage, Morand achète un domaine à Noisy-le-Grand pour y installer son épouse et sa future famille. Ce domaine était sous l’Ancien Régime le fief de Saint-Senne ou Sansenne. Il comprend alors un château situé à l’emplacement du centre aquatique actuel et un parc à l’arrière qui d’étend vers la Marne. Morand, contrairement à d’autres, avait sa résidence principale à Noisy. Cela est confirmé par la naissance de sa première fille Emilie-Louise-Euphrosine-Elise le 13 novembre 1809. Mais comme il emmène son épouse dans différents lieux qu’il est chargé de gouverner, son second fils Napoléon (dont l’Empereur acceptera d’être le parrain) naîtra à Hambourg en 1811. Mais son 3ème enfant Emilie elle naît en 1812 à Noisy.

En mars 1812, il participe à la campagne de Russie et se bat à Smolensk et à la Moskova. Il y est blessé à la mâchoire. Morand est le premier homme à passer la Bérézina. Lors du passage de cette rivière, il fait traverser les débris de sa division, musique en tête.

En 1814, il est gouverneur général de Mayence, époque où son épouse qui était retournée à Noisy donne naissance à Louis-Charles-Alphonse en 1813. Après l’abdication de Napoléon, il doit rendre Mayence en 1814 sur ordre de Louis XVIII. De retour à Noisy, Morand est mis en disponibilité par le nouveau pouvoir avec demi-solde. N’ayant vraisemblablement plus les moyens d’entretenir sa propriété de Noisy, il la vend en décembre 1815 pour s’établir à Fontainebleau sans une maison en location. Auparavant en novembre, son fils Napoléon (celui né en 1811) est baptisé dans l’église de Noisy.

La suite le mois prochain….Si mes recherches sont fructueuses, je pourrais vous parler de Bernard Naudin, de David Olère, d’Emile Sureau, de Claude Terrasse, de Gérard Vicaire et peut-être (mais est-ce la peine car tout le monde connaît Michel Simon)

 

Annie R.

Septembre 2023


Lettre de juin 2023 :

 

Dansons la Capucine et le Chant du Départ

 

En ce mois de juin, pour la dernière lettre avant les vacances, je vais revenir sur deux chansons dont j’ai parlées dans les mois précédents : Dansons la Capucine et le Champ du Départ. 

 

DANSONS LA CAPUCINE

Tout d’abord, voici d’après le site Gallica les paroles de Dansons la Capucine, revues et corrigées par Jean-Baptiste Clément. Dans son livre Chansons, de 1885, Jean-Baptiste Clément joue franc jeu. La poésie Dansons la capucine est sous-titrée « Vieille chanson ». Elle est dédiée à sa grand-mère Charlotte et l’auteur précise dans les quelques lignes qu’il a écrit à la suite de la poésie : « Le soir, après m’avoir conté quelques histoires, pour m’endormir, elle me faisait sauter sur ses genoux en me chantant La Capucine ». La chanson existait donc avant que Clément ne s’en empare pour transformer cette comptine pour enfants en chanson révolutionnaire. L’habileté de la composition de la poésie vient du côté progressif de cette transformation tout au long du texte. Le texte débute un peu comme la comptine, même si le « y’en a chez la voisine » [du pain] est déjà remplacé par « le curé qui fait grasse cuisine » au 1er couplet et « les gros fermiers boivent chopine » au 2ème couplet. Par la suite, le texte se radicalise de plus en plus jusqu’au « Courez et vengez-vous ! » final, véritable appel à la révolte des « traîne-misère ».

 

1-Dansons la Capucine

Le pain manque chez nous.
Le curé fait grasse cuisine,
Mais il mange sans vous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,"
You!...

 

2-Dansons la Capucine

Le vin manque chez nous.
Les gros fermiers boivent chopine,
Mais ils trinquent sans vous.
Dansez la Capucine
El gare au loup,
You !...

 

3-Dansons la Capucine

Le bois manque chez nous.
Il en pousse dans la ravine,
On le brûle sans vous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You!...

 

4-Dansons la Capucine

L'esprit manque chez nous.

L'instruction en est la mine,
Mais ça n'est pas pour vous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You!...

 

5-Dansons la Capucine

L’argent manque chez nous.

L'Empereur en a dans sa mine,
Mais ça n'est pas pour vous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You !

 

6-Dansons la Capucine

L'amour manque chez nous.
La pauvreté qui l'assassine
L'a chassé de chez vous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You !

 

 

7-Dansons la Capucine

La misère est chez nous.
Dame Tristesse est sa voisine
Et vous en aurez tous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You !

 

8-Dansons la Capucine

La tristesse est chez nous.
Dame Colère est sa voisine
Et vous en aurez tous.
Dansez la Capucine
Et gare au loup,
You !

 

9-Dansons la Capucine

La colère est chez nous.
Dame Vengeance est sa voisine,
Courez et vengez-vous !
Dansons la Capucine

Et gare au loup,
You!...

 

 

LE CHANT DU DEPART

Le Chant du Départ est remarquable par les consignes qui sont données dès sa rédaction. 

L'hymne est un tableau musical composé de sept strophes entrecoupées d'un refrain. Chacune de ces strophes est chantée par une personne (ou un groupe de personnes) à laquelle répond au refrain un groupe de soldats (« Chant des guerriers »).

Par exemple, dans le premier couplet, qui est le plus connu, il s'agit d'un député qui s'adresse à des soldats pour les encourager à se battre pour la République.

Dans le second couplet, il s'agit d'une mère de famille qui donne son fils à la patrie.

Dans le troisième, ce sont deux vieillards qui encouragent leurs petits-enfants à aller se battre 

Dans le quatrième couplet, il s'agit d'un enfant qui évoque Joseph Bara et Joseph Agricol Viala, deux jeunes Français (14 ans et 12 ans) morts pour la République. Alors qu'il était entouré de Vendéens qui lui demandaient de crier « Vive le Roi », Joseph Bara aurait alors refusé et lancé : « Vive la République ! », cri pour lequel il fut exécuté sur-le-champ. Quant à Joseph Viala il mourut frappé par une balle en essayant de couper les cordes d'un ponton de l'ennemi. Ses derniers mots furent : « Je meurs, mais c'est pour la Liberté ! ».

Puis c’est une épouse qui souhaite tresser une couronne de lauriers à son époux.

C’est ensuite une jeune fille qui bien qu’elle ne soit toujours mariée souhaite bonne chance à de jeunes hommes

Enfin ce sont trois guerriers qui jurent de se battre jusqu’au bout. 

Ce chant dont le titre original était « Hymne de la liberté » fut appelé le « frère de La Marseillaise » par les soldats républicains. Il est composé par Marie-Joseph Chénier (pour le texte) et Méhul (pour la musique) pour la fête du 14 juillet 1794, il est ensuite présenté par Méhul à Robespierre, sans mentionner Chénier, dont le frère André était déjà dans les prisons révolutionnaires. Robespierre l'aurait alors qualifié de « poésie grandiose et républicaine qui dépasse tout ce qu'a fait ce girondin de Chénier » et en fit changer le titre. Le chant est tout d'abord exécuté par l'orchestre et les chœurs de l'Institut national de musique le 14 juillet 1794. Il est immédiatement imprimé à près de 18 000 exemplaires et distribué aux 14 armées de la République.

Le chant a survécu à la Révolution : Napoléon, qui le préférait à La Marseillaise, l'érige en hymne national en 1804.

Symbole de la volonté de défendre la patrie durant les deux guerres mondiales, il est toujours chanté par l'armée française.

Le carillon de la place Ducale de Charleville-Mézières sonne les heures, quarts d'heures et demi-heures sur les mesures du refrain du Chant du départ de façon que l'intégralité d'un couplet + refrain soit jouée en 60 minutes. De même pour le carillon de la mairie de Givet, ville natale du compositeur située à une cinquantaine de kilomètres de Charleville.

Ce chant est utilisé dans le roman La Guerre des boutons, ainsi que dans le film d'Yves Robert qu'il a inspiré, lors des victoires remportées par les troupes de Lebrac.

Ce chant est utilisé pendant les meetings de la campagne électorale de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et, remixé, sous le titre « Ouverture », de Jean-Luc Mélenchon en 2022.

Ce chant est repris dans le générique du film La Victoire en chantant de Jean-Jacques Annaud (1976), renommé Noirs et blancs en couleur

 

Annie R;

Juin 2023


Lettre de Mai 2023 :

La Seine-Saint-Denis :

Ses habitants célèbres (2)

 

Comme promis voici la suite des personnages célèbres qui sont passés en Seine-Saint-Denis. Comme je l’ai dit le mois dernier, Noisy-le-Grand ne figure pas dans cet exposé. Tout simplement je me réserve ces personnages pour une petite histoire de Noisy que j’espère pour une prochaine « lettre du mois »

 

TREMBLAY-LES-GONESSE

- Tremblay-Lès-Gonesse (devenu depuis Tremblay-en-France en 1989) a pour citoyen propriétaire du domaine de Mortière, le chimiste Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794). Issu d’une famille bourgeoise, il assure sa fortune et une position de grand commis de l’État en devenant fermier général.

Ancienne possession des abbés de Saint-Denis, la ferme de Mortière est donnée aux Dames de Saint-Cyr, par Louis XIV, lorsqu’il supprime le titre d’abbé de Saint-Denis. Elles en sont dépossédées le 10 octobre 1789, lorsque l'Assemblée Constituante  décide la nationalisation des biens de l'Église de France, sur une proposition de Talleyrand. Le 15 février 1791, mise à prix 300 000 livres, la ferme de Mortière est adjugée pour 470 000 livres à Claude Berly, au profit d’Antoine Lavoisier de l’Académie des sciences.

A noter qu’il est condamné à mort en 1794 pour avoir été fermier général sous le règne de Louis XVI.  Il est guillotiné place de la Révolution, le 8 mai 1794, à l’âge de cinquante ans, en même temps que 27 anciens fermiers généraux.

 

PIERREFITTE

- Pierrefitte, elle, est tenue pour probable lieu de naissance du philosophe, membre de l’Académie Française, pair de France, ministre de l’Instruction Publique Victor Cousin (1792-1867). Fils d’un ouvrier agricole, distingué par le maître d’école de Pierrefitte, il a été pris en tutelle par une riche parisienne et s’est ensuite totalement détaché de sa famille jusqu’à en nié son lieu de naissance. 

- Maurice Utrillo (1883-1955). Il est l’un des rares peintres de Montmartre qui y soit né. Il est fils de l’artiste-peintre Suanne Valadon et de père inconnu. Ce n'est probablement pas le fils du peintre catalan Miquel Utrillo, un des amants de Suzanne Valadon, qui néanmoins le reconnaît en 1891, dans sa 8e année, et lui donne ainsi son nom. L'enfance de Maurice se déroule auprès de sa grand-mère, à qui sa mère l'a confié, villa Hochard à Pierrefitte-sur-Seine. Après plusieurs séjours à l’asile, il revient à la ville de son enfance : il y croque ainsi « Le café », « Le Chat sans queue » ou « La Guinguette »

- Frédérick Lemaître (1800-1876), l’un des plus célèbres et des plus fougueux acteurs de l’époque romantique, a vécu entre 1830 et 1845 à Pierrefitte. Il y reçoit de nombreux écrivains et artistes, dont Honoré de Balzac. Frédérick Lemaître est devenu, sous la plume de Jacques Prévert, un personnage dans le film Les Enfants du paradis de Marcel Carné, interprété par Pierre Brasseur. Il est également devenu un personnage du ballet Les Enfants du paradis à l’Opéra de Paris où le rôle de Lemaître est créé par le danseur Alessio Carbone. Éric-Emmanuel Schmitt en a également fait le héros romancé de sa pièce Frédérick ou le Boulevard du Crime, créée par Jean-Paul Belmondo.

 

SAINT-OUEN

- Zoé Victoire Talon, comtesse Achille de Baschi du Cayla, née le 25 août 1785 au château du Boullay-Thierry, morte en son château de Saint-Ouen le 19 mars 1852, est une dame française qui fut la favorite de Louis XVIII. 

Le 3 août 1802, à 17 ans, la jeune Zoé épouse le comte Achille de Baschi du Cayla C’est un mariage de convenance et les époux prennent vite des libertés vis-à-vis de la vie commune.  A partir de 1817-1819, le roi Louis XVIII, sexagénaire et goutteux, s’amourache de la comtesse qui a trente ans de moins que lui.  Il réserve ses mercredis pour tenir compagnie à Mme du Cayla, dans lesquels ils jouissent de soirées de jeux « poivrées » avec beaucoup de réparties spirituelles. Le 29 octobre 1822, il lui cède pour 400.000 francs le château de Saint-Ouen, ainsi que des bijoux et de la porcelaine. Après la mort de son amant, Mme du Cayla se retire dans son château de Saint-Ouen où elle s’occupe d’exploitations agricoles et élève une race de moutons qui porte encore son nom.

A noter que ce château a lui aussi une histoire. En 1814, Louis XVIII, de retour d’exil signe le 3 mai la Déclaration de Saint-Ouen au château de Saint-Ouen. Le roi rachète ce château en 1821. Il le fait raser et reconstruire afin qu’il devienne le sanctuaire de la Restauration. Mais ce sanctuaire est abandonné puisqu’en 1822, il en fait don à la Comtesse du Cayla.

 

- Jacques Necker (1732-1804) possède une maison à Saint-Ouen 

Depuis le Moyen-âge, Saint-Ouen est un lieu de résidences de personnalités importantes. Au XIIIe siècle, Guillaume de Crépy y fait construire un manoir qu'il cède ensuite à Philippe de Valois. Le financier et homme d'État Jacques Necker y possède un château. Sa fille, la célèbre Madame de Staël (1766-1817) y réside plusieurs années. Il ne reste aucune trace de ces demeures. Seul, le château que fait construire Louis XVIII sur l'emplacement de celui de Joachim Seiglières est encore visible.

- Jacques Gondouin de Folleville est un architecte français né en 1737 à Saint-Ouen et mort en 1818 à Paris.

 Reçu troisième au concours du Prix de Rome en 1759, il passe cinq ans à Rome (1761-1766) En 1769, il reçoit la commande de la nouvelle École de Chirurgie. Le bâtiment affecte la forme d'un hôtel particulier. Bien que ce bâtiment paraisse alors s'écarter de nombre de règles canoniques de l'architecture classique, il est extrêmement admiré, à la fois par les professionnels et par le grand public. À partir de 1780, il se constitue un beau domaine à Dammarie-les-Lys, près de Melun, le château des Vives Eaux, où il se retire sous la Révolution française, se faisant passer pour un simple jardinier pour échapper à la tourmente.

En 1795, il est nommé à l'Institut de France au moment de sa création, l'un des six architectes de la classe des Beaux-Arts, et fait partie du Conseil des bâtiments civils. C'est à ce titre qu'il a à connaître des projets d'érection d'une colonne départementale place Vendôme et d'une colonne nationale place de la Concorde. Seule la première voit le jour en 1806.

 

- Alexis Godillot, né en 1816 à Besançon et mort en 1893 à Paris, est un entrepreneur et manufacturier français, surtout connu pour les chaussures militaires que son entreprise produisait et auxquelles il laisse, son nom, les « godillots » d'où dérive, par l'argot, le terme « godasses » 

Il ouvre des tanneries à Saint-Ouen. Il deviendra fournisseur officiel aux armées. En 1853, pendant la guerre de Crimée, sa manufacture produit pour l'armée française des selles et des chaussures, mais également des tentes.

 

MONTFERMEIL

- Montfermeil est inséparable de Victor Hugo (1802-1885) et de Juliette Gauvain dite Juliette Drouet (1806-1883), une actrice.

Une fontaine devient très connue et importante à Montfermeil après la parution en 1862 du roman de Victor Hugo « Les Misérables ». Le nom de Jean Valjean est aussitôt associé à la fontaine et à la rencontre entre l’ancien bagnard et Cosette.

Victor Hugo connaît bien Montfermeil depuis ces journées de 1845 où il est surpris en compagnie d'une femme qui n'est pas son épouse, ni sa maîtresse officielle. L'adultère, s'il était publié dans la presse, pourrait nuire à ce pair de France. Les hautes instances du pouvoir demandent donc à Victor Hugo de s'éloigner de Paris quelque temps. Avec Juliette Drouet, il monte dans une diligence à Pantin, qui prend la direction de Chelles puis de Montfermeil. L’ambiance paisible et sereine de Montfermeil qui n’est alors qu’un village l’inspire et l’auteur y situera quelques scènes dans son célèbre roman Les Misérables : l’auberge des Thénardier, les affreux tortionnaires qui ont pris Cosette en pension, lui est inspirée par celle qui donnait alors sur la rue de la Halle et la ruelle des Béguines.

 

VILLEMONBLE

- Alexandre Chatrian, né en 1826  à  Abreschviller, et mort en 1890 à Villemomble, est un écrivain français. Il est plus connu sous le nom de plume commun de « Erckmann-Chatrian » qu’il partage avec son ami Émile Erckmann

Le jeune Chatrian est d’abord connu sous le prénom de Gratien. Gratien se met à écrire plusieurs contes à la manière d’Hoffmann : Le bourgmestre en bouteille, Rembrandt, etc. C’est alors qu’il fait la connaissance d’Émile Erckmann, originaire de Phalsbourg, alors âgé de 24 ans, qui a interrompu ses études de droit à Paris pour se mettre, dans sa ville natale, à l’abri d’une épidémie de typhoïde. Après la Révolution française de 1848, les deux amis se lancent imprudemment dans des activités politiques et publient à Strasbourg un journal républicain éphémère : Le Républicain alsacien.

Après une période de rodage, ils commencent à être connus vers 1859 : la publication régulière de contes et de nouvelles fantastiques leur attire de nombreux lecteurs. Ils s’installent donc tous deux à Paris, près de la Gare de Paris-Est pour pouvoir revenir régulièrement en Lorraine.

Chatrian achète une propriété (la villa Plaisance) au 56 avenue Franklin au Raincy, dont il sera maire pendant 6 mois en 1878, et où il emménage en mai 1869 avec Adélaïde Riberon, sa compagne avec qui il a eu deux enfants.

Après 1872, Chatrian écrit plutôt du théâtre tandis qu’Erckmann s’occupe des romans. En 1884, ayant pris sa retraite d’employé des chemins de fer (travail qu’il avait fait pour subvenir à ses besoins), Chatrian se retire alors à Villemomble où il est inhumé.

 

LE RAINCY

- Georges Seurat, né en 1859 et mort en 1891 est un peintre et dessinateur français. Il est l’inventeur de la technique dite pointilliste. Il possède une maison au Raincy où il va peindre différentes toiles dont « casseurs de pierre au Raincy » ou « l’arrosoir, jardin du Raincy »

 

EPINAY SUR SEINE

- Bernard Germain Étienne de Laville-sur-Illon, comte de Lacépède (parfois appelé de la Cépède), né en 1756 à Agen  et mort en 1825 à Épinay-sur-Seine, est un zoologiste et homme politique français. 

D'une nature peu sociable, il se consacre tout d'abord à l'étude de la philosophie et de la musique. Il se lie d'amitié avec Buffon (1707-1788) qui l'encourage à étudier l'histoire naturelle. Il collabore alors à l’Histoire Naturelle de Buffon et publie de nombreux ouvrages dans ce domaine. Lacépède commence sa carrière d'homme politique en étant député de Paris à l'Assemblée législative (1791-1792). Il en sera vice-président en 1791, puis président du 28 novembre au 9 décembre 1791.

Ayant fui les excès de la Terreur, il revient à Paris après la chute de Robespierre Le 14 août 1803, il est nommé comme premier grand chancelier de la Légion d'honneur, Il est désigné par la suite président du Sénat conservateur à deux reprises, du 1er juillet 1807 au 1er juillet 1808 puis du 1er juillet 1811 au 1er juillet 1813. 

 

BONDY

- Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875) a beaucoup peint à Coubron, commune au charme Belle-Epoque, à l’orée de la forêt de Bondy.  Si le soleil est invisible, c’est le temps parfait pour retrouver un peu de l’atmosphère grise et diffuse des tableaux de Camille Corot. Lequel, à partir de 1867, se rend assidûment à Coubron, « près de Montfermeil, chez une amie intime, Mme Gratiot ». Le peintre profite de ces séjours pour travailler inlassablement. Un coup d’œil dans le catalogue raisonné de ses œuvres, rédigé par son ami Alfred Robaut, permet d’identifier dix toiles mentionnant le nom de cette petite commune alors en Seine-et-Oise. On peut admirer certaines de ses œuvres au Louvre.

 

MONTREUIL

- Georges Méliès, né Marie Georges Jean Méliès en 1861 à Paris et mort en 1938 dans la même ville, est un réalisateur et illusionniste français. Ayant choisi la prestidigitation comme profession, il profite d'une donation de son père, industriel de la chaussure, pour devenir propriétaire et directeur en 1888 du théâtre Robert-Houdin, en sommeil depuis la mort du célèbre illusionniste.

En 1897, il crée dans sa propriété de Montreuil le premier studio de cinéma en France, un studio de 17 × 66 m. Il y filme les acteurs devant des décors peints, inspirés par les spectacles de magie de son théâtre, ce qui lui vaut le surnom de « mage de Montreuil ». Les acteurs sont aussi bien des amateurs recrutés dans la rue, des artistes de music-hall, des danseuses du Châtelet ou des Folies Bergère, que des membres de son entourage. Il joue lui-même souvent dans ses films. Méliès filme également, faute de pouvoir aller sur place, des « actualités reconstituées » en studio. Son chef-d'œuvre étant le Sacre du roi Édouard VII, film qui sera présenté à la cour du Royaume-Uni en 1902. Il développe aussi un atelier de coloriage manuel de ses films, procédé largement inspiré de ce qui se fait déjà pour la colorisation de photos en noir et blanc. Il se fait ainsi tour à tour producteur, réalisateur, scénariste, décorateur, machiniste et acteur.

 

SEVRAN

- Alfred Bernhard Nobel, né en 1833 à Stockholm en Suède et mort en 1896 à Sanremo en Italie, inventeur de la dynamite, s'est établi pendant une dizaine d'années dans le château de Sevran (Seine-Saint-Denis) pour y tester ses explosifs. 

Dans les années 1880, l’inventeur de la dynamite, qui a donné son nom à l’illustre prix Nobel, a acquis le château de Sevran puis ex-mairie, pour y mener ses recherches sur la dynamite-gomme.  La ville était alors un village de 500 âmes. La question est de savoir pourquoi ce chimiste, industriel et fabricant d’armes suédois de renommée mondiale a posé ses valises dans cette bourgade agricole ? La raison pourrait se trouver du côté de la poudrerie impériale. Quelques années plus tôt, la poudrerie impériale était inaugurée sur un terrain à cheval entre Sevran, Villepinte, Livry-Gargan et Vaujours. A l’époque, Alfred Nobel vivait à Paris, dans un hôtel particulier avenue de Malakoff. Une adresse peu propice aux expériences pyrotechniques !!!! L’inventeur a ainsi préféré profiter des terrains de la poudrerie pour y mettre au point, dans le plus grand secret, la balistite, une poudre à canon dérivée de la nitroglycérine, considéré comme étant l’une de ses principales inventions.

 

LIVRY-GARGAN

- Enfin, mais j‘en ai très certainement oublié, on peut citer Marie de Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné, auteure d’une correspondance célèbre. Elle effectue de fréquents voyages chez son oncle, l’abbé de Coulages à Livry, qui lui trouve son époux, le marquis de Sévigné

 

Il en manque encore certainement ? A vous de les trouver

 

Annie R.

Mai 2023


Lettre de Avril 2023 :

 

La Seine-Saint-Denis :

Ses habitants célèbres (1)

 

Tout comme pour l’histoire que j’ai retracée le mois précédent, ce mois-ci je vais essayer de citer les principaux personnages qui sont nés dans la zone géographique devenue la Seine-Saint-Denis, qui y ont vécu, d’autres qui n’ont fait qu’y passer ou ceux qui y ont fini leurs jours. Vu leur nombre, ils feront l’objet de la lettre d’avril et de celle de mai. Vous ne verrez aucun des personnages célèbres de Noisy-le-Grand, ceux-ci feront l’objet d’une lettre à part.

- Peut-être, les plus anciens, ce sont probablement Pierre Abélard et son épouse Héloïse. Il naît près de Nantes et 1709. Aîné d’une famille de la petite noblesse, il décide de se consacrer aux lettres et à la dialectique. Très vite, il connaît le succès. Au cours de son parcours, il rencontre Héloïse, une fille fort lettrée, nièce du chanoine Fulbert. Sa liaison, entamée en 1113 avec celle qui deviendra la mère de son fils Pierre-Astrolabe va conduire Fulbert à les contraindre à se marier. Mais ils veulent garder leur mariage secret. Héloïse s’étant réfugiée au Monastère d’Argenteuil, Fulbert la croit répudiée et fait émasculer Abélard. Les deux époux rentrent en religion, elle à Argenteuil, lui à Saint-Denis en 1118. Leur histoire est devenue le mythe fondateur de l’amour libre et les lettres échangées par le couple, « Lettres de deux amants » et « Lettres d’Abélard et d’Héloïse », sont devenues un monument de la littérature, où la liberté du propos intime est servie par un style étonnamment moderne. Le 16 juin 1817, les restes de la nonne amoureuse et de son époux moine sont transférés dans un mausolée au cimetière du Père-Lachaise

 

PANTIN

- Peu connue, du moins de nos jours, Marie-Madeleine Guimard dite « La Guimard » (1743-1816). C’est une danseuse célèbre qui entre à l’Opéra de Paris à 25 ans. Pendant 25 ans, elle domine la scène parisienne. Elle est devenue une véritable personnalité étant donné les soutiens et relations libertines qu’elle a avec des Messieurs influents et riches. Elle achète une maison à Pantin, qu’elle rénove et lui ajoute un théâtre de 200 places où le tout-Paris aristocratique s’honore d’y être admis. On y joue des pièces mais aussi des spectacles libertins. Elle organise trois sortes de soupers par semaine : l’un pour les seigneurs de la cour, l’autre pour les artistes, auteurs et savants, le troisième voué aux plaisirs avec la présence de filles séduisantes.

- Non loin de son domicile, Pierre-Augustin, baron de Beaumarchais possède une maison à Pantin. Celui-ci a acquis cette maison par contrat de mariage, le 11 avril 1768 avec Geneviève Madeleine Wattebled, veuve d’Antoine Angélique Lévêque, décédé en 1767. Le 22 avril 1855, le Conseil Municipal autorise le maire à acquérir « une maison sise rue de Paris n° 104 ; c’était celle où avait habité Beaumarchais un siècle auparavant et était contiguë à la maison occupée jadis par Mlle Guimard. »

- C’est en 1810 qu’Etienne-Nicolas Méhul (1763-1817) s’installe à Pantin dans une maison de campagne pour, selon son collègue et ami Chérubini, « se délasser de ses travaux et soigner les œillets, les oreilles d’ours et surtout les renoncules, les jacinthes et les tulipes, ses fleurs les plus favorites ». Mais c’est avant tout pour soigner sa tuberculose. Çà lui a plutôt bien réussi puisqu’il n’est mort qu’en 1817. 

L’Opéra-Comique et la musique révolutionnaire vont lui apporter la célébrité. A partir de situations et de caractères proches de la vie courante, il sait écrire une musique plaisante et gaie, souvent sentimentale, parfois pathétique. Aidé du librettiste François Hoffman, Méhul réalise un coup d’éclat avec « Euphrosine et le tyran corrigé », représenté en 1790 à la salle Favart. Selon certains, il est placé entre le Molière et le Corneille de la musique. 

Plus tardivement, il adopte avec une sincérité évidente la veine patriotique. Il s’engage en novembre 1793 dans la musique de la garde nationale parisienne constituée dès 1789 par Bernard Sarrette. Il compose dans ce cadre pour les fêtes nationales plusieurs hymnes et chants patriotiques dont le célèbre « Chant du Départ » à la mi-juin 1794 sur des paroles de Marie-Joseph Chénier. Comme la Marseillaise de son ami Rouget de Lisle, cette composition confère la gloire à son auteur.

 

SAINT-DENIS

- Denis de Paris, dénommé dans toute la chrétienté médiévale Saint Denis, est venu d’Italie en 245 après Jésus-Christ pour évangéliser le territoire des Gaules.  

Hilduin, abbé de Saint-Denis à l’époque carolingienne, va écrire « les Vies de saint Denis », Selon lui, Denis (mort entre 250 et 272) et ses diacres, saint Eleuthère et saint Rustique, incarcérés dans l'île de Lutèce, empruntent les chemins qui seront nommés rue Montmartre, rue du Faubourg-Montmartre et rue des Martyrs, pour gagner la butte Montmartre où ils sont décapités. Denis décapité aurait ensuite marché vers le nord pendant six kilomètres, sa tête sous le bras, traversant Montmartre jusqu'à un lieu qui s'appelle aujourd'hui Saint-Denis. À la fin de son trajet, il donne sa tête à une femme pieuse originaire de la noblesse romaine et nommée Catulla, puis s'écroule. On l'ensevelit à cet endroit précis et on y édifia une basilique en son honneur.

- Saint-Denis compte parmi ses personnages remarquables le Comte Léon. Charles Léon dit le « Comte Léon » est né à paris en 1806 et mort à Pontoise en 1881. C’est un fils naturel de Napoléon 1er, empereur des Français. Elevé en France, il entame une carrière militaire et devient chef de bataillon de la garde nationale de Saint-Denis.

Il est réputé pour les chiens redoutables qui protègent sa résidence. Admirateur de son père, il tente de préserver le souvenir du Premier Empire et organise plusieurs commémorations. Après l’établissement du Second Empire, il rencontre son cousin Napoléon III. Surnommé « le bâtard infernal » à cause de ses revendications (porter le titre de prince, porté le nom de Bonaparte…) en froid avec l’empereur, il s’installe à Pontoise en 1871 où il meurt en 1881. 

- Plus connu, toujours à Saint-Denis a vécu Lucien Guitry, célèbre comédien, père de Sacha Guitry, dont la jeune ardeur- il avait 16 ans- se déploie dans la construction d’un théâtre en 1877 où l’on joue Ruy Blas, La Dame aux Camélias et bien d’autres œuvres célèbres, devant un parterre si clairsemé qu’il faut bien vite fermer le théâtre.

- Robert de Cotte est un architecte français né en 1656 et mort le 15 juillet 1735 à Passy. Il est l'un des grands architectes français dans la lignée des Mansart : il sera l'élève de Jules Hardouin-Mansart, avant de devenir son beau-frère et son principal collaborateur, Robert de Cotte est reçu en 1687 à l'Académie royale d'architecture et devient en 1708 Premier architecte du Roi et directeur de l'Académie. C'est ainsi qu'il achève la chapelle du château de Versailles, inaugurée en 1710. C'est un grand constructeur, consulté par beaucoup d'architectes européens. En Seine-Saint-Denis on lui doit notamment la reconstruction de l'abbaye de Saint-Denis. Il commence par la façade orientale en 1701. Le bâtiment fait partie aujourd'hui de la Maison d'éducation de la Légion d'honneur à Saint-Denis.

- Pierre De Geyter (plus connu par la suite comme Pierre Degeyter), né le 8 octobre 1848 à Gand et mort le 26 septembre 1932 à Saint-Denis, est un ouvrier et musicien belge célèbre pour avoir composé à Lille la musique de L'Internationale.

Ses parents, ouvriers également, avaient immigré à Lille pour y trouver du travail dans l’industrie textile. Câbleur dans l’industrie ferroviaire, Pierre Degeyter s’intéresse plus à la musique. En juillet 1888, alors qu’il est le premier directeur de la société musicale lilloise la Lyre des travailleurs, il reçoit une commande de Gustave Delory, du Parti ouvrier français : mettre en musique un poème d’Eugène Pottier de 1871 pour en faire le chant de lutte du parti. Il compose cette musique au siège de la Lyre des travailleurs, le café lillois la Liberté, rue de la Vignette dans le quartier de Saint-Sauveur.

La musique est signée du seul nom de famille de Degeyter, ce qui n’empêchera pas le compositeur de devoir quitter Lille, dont les patrons l’ont classé comme dangereux révolutionnaire. Sa famille déménage vers Saint-Denis, 

Le chant est un succès immédiat, d’abord en France, puis dans le monde entier. Il est adopté en 1889 comme hymne de la Deuxième Internationale.

- Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis (en Seine-Saint-Denis) le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952 (à 56 ans), est un poète français.

En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, nom emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie. Il adhère au dadaïsme et devient l'un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action artistique politiquement engagée auprès du Parti communiste. Il prend position aux côtés de Picasso pour les républicains lors de la guerre d’Espagne.  Pendant la seconde guerre mondiale, il écrit de nombreux poèmes dans la clandestinité dont « Liberté ». Les vingt et une strophes de Liberté, publiées dans le premier numéro de la revue Choix, sont parachutées par les avions anglais à des milliers d'exemplaires au-dessus de la France (ce poème est mis en musique par Francis Poulenc dès 1944).

Il est connu également sous les pseudonymes de Didier Desroches et Brun

- Francisque Poulbot, né à Saint-Denis en 1879 et mort à Paris en 1946 est un affichiste, goguettier, dessinateur et illustrateur français. (un goguettier est un participant d'une goguette, société amicale organisant des dîners et soirées chantantes)

Né dans une famille d'enseignants — ses parents sont instituteurs —, Francisque Louis Gustave Poulbot est l'aîné de six enfants. Doué pour le dessin, il n'ose cependant pas se présenter à l'École des beaux-arts. À partir de 1900, ses dessins commencent à être publiés dans la presse. Il s'installe à Montmartre et se marie en février 1914, avant de partir pour le front ; il est cependant réformé l'année suivante. Durant la Grande Guerre, il signe des affiches et des cartes postales patriotiques, ce qui lui vaudra, pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l'occupation allemande, d'être assigné à résidence. Il illustre pourtant six cartes postales destinées aux fils et filles de légionnaires.

Très attaché à la vie montmartroise, Poulbot s'associe, en 1920-1921, à la création de la « République de Montmartre ». En 1923, pour venir en aide aux enfants nécessiteux de Montmartre, il ouvre Les P'tits Poulbots, un dispensaire rue Lepic, transformé en association loi de 1901 en 1939 et qui existe toujours.

Le néologisme « poulbot » a été créé en référence à ses nombreuses illustrations représentant des titis parisiens : les gamins des rues. Une illustration de Gavroche, le célèbre personnage du roman Les Misérables de Victor Hugo, en est le parfait exemple. Il est également à l'origine du couple de poupées fétiches de la Première Guerre mondiale Nénette et Rintintin.

Il meurt dans sa maison au 13, avenue Junot à Montmartre le 16 septembre 1946 et est inhumé au cimetière de Montmartre.

 

ILE-SAINT-DENIS

- Jean Baptiste Clément, né à Boulogne-sur-Seine (Seine, désormais appelé Boulogne-Billancourt) le 31 mai 1836, mort à Paris 10e le 23 février 1903 a vécu toute son enfance au moulin de Cage, à l’Ile Saint-Denis ;

C’est un chansonnier montmartrois, journaliste, syndicaliste et communard français. La plus grande partie de son répertoire est aujourd'hui oubliée, excepté quelques chansons et en particulier les très célèbres Le Temps des cerises et La Semaine sanglante. Dans un registre différent, il rédige une version parodique de la célèbre ronde enfantine Dansons la capucine, contre le Second Empire. Jean Baptiste Clément est militant du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR). Il vit clandestinement à Montfermeil en 1875-1876 : il avait été condamné à mort par contumace pour sa participation au soulèvement de Paris. Il passe alors le principal de son temps à la pêche dans les étangs voisins

- L’Ile Saint-Denis a été peinte plusieurs fois par Alfred Sisley (1839-1899). C’est le seul des grands peintres du groupe des impressionnistes à n’avoir pas véritablement connu le succès de son vivant, malgré le soutien moral et financier de plusieurs marchands d’art. C’est un peintre d’origine et de nationalité britannique mais qui a vécu la plus grande partie de sa vie en France. 

- Enfin, l’Ile-Saint-Denis a aussi inspiré Edouard Manet (1832-1883). C’est un peintre et graveur français qui est le précurseur de la peinture moderne en l’affranchissant de l’académisme. Il utilise les sites de l’Ile-Saint-Denis pour son célèbre « déjeuner sur l’herbe » 

 

NEUILLY-PLAISANCE

- Quittons Saint-Denis et l’Ile-Saint-Denis pour aller à Neuilly-Plaisance. C’est là que Henri Grouès dit l’Abbé Pierre (1912-2007) a fondé en 1949, la communauté Emmaüs, (organisation non confessionnelle de lutte contre l'exclusion) comprenant la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés et de nombreuses autres associations, fondations et entreprises de l'économie sociale en France.

Il est né à Lyon dans une famille bourgeoise aisée et pieuse de négociants en soie lyonnais, Dès l'âge de six ans, il accompagne son père catholique actif et pieux qui, chaque dimanche matin, s'occupe des sans-abris et mendiants. En 1931, il fait sa profession religieuse chez les capucins où il prononce ses vœux. Par vœu de pauvreté il renonce cette année-là à sa part du patrimoine familial, et donne tout ce qu’il possède à des œuvres caritatives. En religion, Henri Grouès devient frère Philippe Il est mobilisé comme sous-officier dans un régiment du train des équipages, en décembre 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale.

Il souffre de pleurésie et passe la totalité de la drôle de guerre à l'hôpital. En octobre 1940, il est nommé aumônier de l'hôpital de La Mure (Isère) puis de l'orphelinat de La Côte-Saint-André. En novembre 1943 il fait passer en Suisse le plus jeune frère du général de Gaulle, Jacques, ainsi que son épouse ; C’est à cette époque qu’il rencontre Lucie Coutaz (1889-1982), qui le cache sous un faux nom, et restera sa secrétaire particulière jusqu’à sa mort en 1982. Elle est considérée comme la cofondatrice du mouvement Emmaüs. Dans la clandestinité il adopte le nom d’abbé Pierre qui lui restera jusqu'à la fin de sa vie. Après la guerre, sur les conseils de l’entourage du général de Gaulle, et l’approbation de l’archevêque de Paris, il se présente aux élections législatives. Il siège sous le nom de Grouès (M. L'abbé Pierre) puis, à partir du 13 juin 1946, est enregistré au nom de Pierre-Grouès (M. L'abbé). L’abbé Pierre acquiert sa notoriété à partir du très froid hiver de 1954, meurtrier pour les sans-abris. Il lance le 1er février 1954 un appel mémorable sur les antennes de Radio-Luxembourg (future RTL), qui deviendra célèbre sous le nom d'« Appel de l'abbé Pierre ».  L’appel rapportera 500 millions de francs en dons (dont 2 millions par Charlie Chaplin qui dira à cette occasion : « Je ne les donne pas, je les rends. Ils appartiennent au vagabond que j'ai été et que j'ai incarné. »)

 

BONDY

- André Malraux, (1901 - 1976) est un écrivain, aventurier, homme politique et intellectuel français.

Essentiellement autodidacte et tenté par l'aventure, André Malraux gagne l'Indochine, où il participe à un journal anticolonialiste et est emprisonné en 1923-1924 pour vol et recel d'antiquités sacrées khmères. Revenu en France, il transpose cette aventure dans son roman La Voie royale publié en 1930, et gagne la célébrité dans la francophonie avec la parution en 1933 de La Condition humaine, un roman d'aventure et d'engagement qui s'inspire des soubresauts révolutionnaires de la Chine et obtient le prix Goncourt. Militant antifasciste, André Malraux combat en 1936-1937 aux côtés des républicains espagnols. Il rejoint la Résistance en mars 1944 et participe aux combats lors de la Libération de la France.

André passe son enfance, par suite du divorce de ses parents en 1905, avec sa mère, sa grand-mère Adrienne et sa tante maternelle Marie, qui tiennent une épicerie au no 16 rue de la Gare à Bondy ; de cette enfance il ne gardera pas de bons souvenirs. Dès l'enfance, Malraux est atteint du syndrome de Gilles de La Tourette (tics), dont il souffrira toute sa vie.

 

LES LILAS

- Charles-Paul de Kock est un romancier, auteur dramatique et librettiste français, né en 1793 et mort en 1871. Paul de Kock est le fils d'un banquier hollandais

Romancier populaire, fécond et truculent, il peint les petites gens de Paris. Il est également l'auteur de près de deux cents drames et vaudevilles et de nombreuses chansons, dont la plus célèbre, Madame Arthur, écrite vers 1850 et chantée par Yvette Guilbert, est un grand succès dans les années 1920.  Il est inhumé au cimetière communal des Lilas.

 

GOURNAY-SUR-MARNE

- Eugène Carrière est un peintre, enseignant et lithographe français, né le 18 janvier 1849 à Gournay-sur-Marne et mort le 27 mars 1906 à Paris. Artiste symboliste, il a une influence sur l'éclosion du fauvisme. Il reçoit des commandes pour des peintures qui ornent l'hôtel de ville de Paris et la Sorbonne, ainsi que pour des sujets religieux. Eugène Carrière est réputé pour ses clairs-obscurs en camaïeu à dominante brune et grise, estompant les formes tout en faisant ressortir les mains et les visages.

 

COURBON

- Jean-Baptiste Camille Corot (1796 - 1875) est un peintre et graveur français, Retiré à Coubron en automne 1874, il signe quelques toiles représentant des paysages, notamment, des prairies, la forêt de Bondy et ses étangs.

- Paul de Kock (1792 - 1871), est un romancier, auteur dramatique et librettiste français. Il est l'auteur de Le maître d'école à Coubron, écrit en 1849.

- François-Raoul Larche dit Raoul Larche (1860 - 1912), est un sculpteur français, originaire de la Gironde. Alors que son atelier était situé dans le 4e arrondissement de Paris, il réside souvent en Seine-et-Oise (à l’époque) à Coubron, où sa maison existe toujours. Le 3 juin 1912, il est renversé par une voiture alors qu’il se promenait, au bras d’un ami, dans les rues de Lagny. Transporté dans le coma dans un établissement de santé parisien, il meurt le soir même.  Sa sculpture « Les faunes » est exposée devant l'hôtel de ville. Il y est inhumé.

 

 

 

(la suite, le mois prochain….)

 

Annie R.

Avril 2023

 


Lettre de Mars 2023 :

 

La Seine-Saint-Denis : son histoire

 

Sous l’Ancien Régime, le découpage du royaume est complexe : les circonscriptions administratives, militaires, ecclésiastiques, judiciaires, fiscales... ne se superposent pas. Dès le XVIIIe siècle, le pouvoir royal affiche une volonté de clarifier et rationnaliser ce découpage. Cela ne sera chose faite qu’à la Révolution : les 83 départements français sont créés, selon un principe simple : les citoyens doivent pouvoir se rendre au chef-lieu du département et rentrer chez eux en une journée de cheval. Ainsi naissent les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise, pour la région parisienne : la Seine comprend Paris ainsi que 81 communes de l’actuelle petite couronne ; elle est encerclée par la Seine-et-Oise, composée de près de 700 communes de l’actuelle grande couronne. Plus tard, le nombre des départements sera porté progressivement à 101. Mais, très vite, on prend conscience de l’éloignement entre les administrés et les administrations (surtout pour les habitants de la Seine-et-Oise), de problèmes d’aménagement, d’augmentation de la population… Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les pouvoirs locaux cherchent à réorganiser la région parisienne. Le département de la Seine-Saint-Denis a été créé le 1er janvier 1968, en application de la loi de réorganisation de la région parisienne du 10 juillet 1964, qui divise le territoire en 7 nouveaux départements : Paris (qui devient à la fois commune et département), les Hauts-De-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, qui constituent la « petite couronne », et les Yvelines, l’Essonne et le Val-d’Oise qui forment « la grande couronne ». La Seine-et-Marne rejoint également le territoire administratif de la région parisienne. Les habitants de Seine-Saint-Denis sont les Séquano-Dionysiens.

La Seine-Saint-Denis est ainsi créée : correspondant à ce qu’on appelle communément la « banlieue nord-est », elle regroupe 24 communes du nord de l’ex-Seine et d’une partie Est de celui-ci. Y est ajoutée la portion nord-est du département de la Seine-et-Oise (16 communes) autour de deux localités principales : Le Raincy (promu peu de temps auparavant au rang de chef-lieu d’arrondissement), et Gagny, dont la croissance était spectaculaire. Le chef-lieu du département de Seine-Saint-Denis a été volontairement fixé dans un secteur à urbaniser : Bobigny, qui ne comptait alors qu’une dizaine de milliers d’habitants tandis que Saint-Denis approchait les 100.000. 

Si l'on ne peut pas vraiment parler d'une histoire de la Seine-Saint-Denis, puisque le département n'existe que depuis 55 ans, il est possible, en revanche, d'évoquer l'histoire d'un territoire correspondant aux limites de l'actuel département. De la préhistoire à nos jours, le sol et le sous-sol de la Seine-Saint-Denis conservent les traces du passage des hommes. Les découvertes archéologiques à Bobigny, les noms de lieux gallo-romains (comme Romanavilla pour Romainville ou Gannus pour Gagny), l'évolution de l’agriculture et de ses techniques, sans oublier Saint-Denis, témoin essentiel d'une histoire qui déborde largement celle du département, sont autant d'indices qui attestent de la participation de la région à l’histoire.

 

Pas moins de 400 sites archéologiques ou indices d'occupations depuis le paléolithique ont été recensés. Si 20% des sites se trouvent sur le territoire de Tremblay-en-France, Gournay-sur-Marne a été rendue célèbre par la découverte de son agglomération antique. Des vestiges de faune du paléolithique ont été trouvés dans les sablières de Montreuil en 1860. Une sépulture néolithique a été mise au jour à Neuilly-sur-Marne en 1842. Sans oublier le dépôt d'armes et d'objets de parure de l'âge du bronze de Pantin, ou bien encore, les fouilles de Noisy-le-Grand, les fouilles de la nécropole mérovingienne de Saint-Denis….

L'affirmation de la civilisation gauloise en Seine-Saint-Denis inaugure un cycle historique de 1.500 ans qui engendre une forme particulière d'aménagement du territoire, comme en témoignent les fermes gauloises de Bobigny et de Saint-Ouen. Puis, avec les Romains, les campagnes du département connaissent une densité d'occupation qui ne sera égalée qu'au XIIe siècle. Enfin, la révolution industrielle du Moyen-âge donnera (presque) à notre région sa physionomie actuelle, grâce aux grands défrichements du XIVe siècle. Le paysage se ponctue de villages dans une région où seuls, Montreuil est un gros bourg et Saint-Denis une ville déjà conséquente.

On y trouvait jadis des forêts, des châteaux, des parcs, des champs de blé ou de froment, des cultures maraîchères et toute une population rurale aux traditions séculaires. En 1789, les privilèges sont abolis et les biens de l’église confisqués. Les paysans déjà propriétaires et disposant d’une certaine aisance, peuvent alors accroître leur production. Les moins fortunés poursuivent longtemps une vie difficile malgré une tâche accablante. En été, très souvent ils travaillent du lever au coucher du soleil. Les producteurs de légumes sont plus astreints à une tâche pénible car bien sûr, le travail se fait à la main et quand la cueillette est terminée, il faut préparer la vente au marché de Saint-Denis ou le plus souvent aux marchés de Paris. On s’y rend, en charrette, tirée par un cheval. Il se dit que le paysan étant tellement harassé, c’est le cheval qui connaît le chemin qui conduit son maître permettant à celui-ci de somnolé pendant le chemin !

Les habitations sont cossues pour les riches cultivateurs mais bien modestes pour la plus grande majorité : une grande pièce pour la cuisine et les repas, une, rarement plus, chambre. Si on ne trouve pas comme dans le centre de la France, d’écurie ouvrant sur la pièce principale, les animaux sont logés dans une pièce contigüe car s’il y a une grande cheminée, elle doit chauffer l’ensemble de la maison. Les travailleurs saisonniers (on les appellent les Horsins, c’est-à-dire inconnu, étranger au village) dorment le plus souvent dans l’écurie sur une planche recouverte de paille qui n’est pas forcément changée chaque année. Vu les conditions d’hygiène, une maladie fait des ravages : la typhoïde sans oublier l’épidémie de choléra qui a frappé la région en 1812.

Le 19ème et plus de la moitié du 20ème siècle vont voir d’importants bouleversements. Paris grignote la frange de villages qu’il a enserrés dans ses murailles : Montmartre, La Villette, Belleville. Les murailles exigeront un « no man’s land » : La Zone. 

1859 semble l’année charnière. On compte alors 4 établissements industriels à Saint-Ouen, 6 à Aubervilliers, 7 à Pantin, 2 à Montreuil. La chimie et l’industrie du cuir dominent à Saint-Denis, Aubervilliers et Pantin. Cette dernière commune va fêter en grandes pompes l’installation de la filature Cartier-Bresson qui venait de quitter Paris et qui va alors employer entre 600 et 700 salariés. Lorsque déferlent depuis la capitale ces nouvelles manufactures (on parlera très vite d’usines, dans le sens de grandes installations où l’on va travailler), le paysage de Seine-Saint-Denis va se hérisser de plus de 1.000 cheminées de briques, lesquelles vont dénaturer le paysage. Les ouvriers vont chercher à habiter le plus près possible de leur lieu de travail (les transports en commun n’existent quasiment pas), même si c’est dans des conditions médiocres. Les villes « usinières » vont alors s’accroître considérablement (Saint-Denis passe de 13.688 habitants en 1851 à plus de 60.000 en 1901). Les villes où ne sont pas implantées d’usine croissent mais très nettement moins vite. Les familles cherchent à se loger à moindre frais, c’est-à-dire dans des maisons vétustes, au bord de voies boueuses (Saint-Ouen compte encore 9 km de rues en terre en 1900). La banlieue est sale, misérable, en proie à la tuberculose. Les fumées donnent à Saint-Denis « un teint ignoble de mulâtresse ». Près des tanneries (le long du Crould) l’odeur est suffocante sans oublier celles des usines à gaz. Le Canal de l’Ourcq, s’il sert au transport des marchandises, il sert aussi aux péniches transportant les vidanges de Paris jusqu’à une usine qui les transforme en poudrette, utilisée pour fertiliser les sols. Avec l’arrivée du train, vont se développer d’énormes gares de triage (Pantin, Noisy-le-Sec) avec autour de nouvelles usines.

A l’aube du XIXe siècle, l’ampleur de l’exode rural confronte les villes à d'inquiétants problèmes de croissance. Deux courants se dessinent : aménager l'existant ou transporter la ville à la campagne. On assiste alors à l'émergence des cités-jardins (Pantin, Stains), des jardins ouvriers (Pantin) et des lotissements (Tremblay-en-France) mais aussi à l’implantation de bidonvilles.  Mais l'explosion des villes industrielles pose un autre problème, celui du ravitaillement. Aussi, pailleux (Vaujours) et maraîchers (Aubervilliers) investissent la banlieue.

Existe-t-il une architecture propre à l'industrie ? Celle-ci doit répondre à la fois à la contrainte de la technologie mais aussi à celle de l'organisation du travail. C'est ainsi que l'architecture du labeur (la Maison des Arbalétriers à Saint-Denis) devient l'architecture de la manufacture (la parfumerie Bourgeois à Pantin ou la Manufacture d’Allumettes à Aubervilliers). Les bâtiments sont assez jolis (voir ceux que l’on a vu lors de notre randonnée au parc de la Poudrerie) souvent en briques et en crépi. Les bâtiments ont « encore une âme ». Puis on passe à l’usine (Citroën à Saint-Ouen). L'architecture industrielle possède ses symboles, plus ou moins appréciés au moment de leur mise en service, tel que l’usage de matériaux nouveaux comme le fer, la brique, le béton, matériaux « industriels » par excellence, qui font aujourd'hui de certains de ces bâtiments des symboles de la modernité. Les premiers bâtiments de l’usine Citroën à Saint-Ouen, les Magasins généraux à Aubervilliers ou l’usine Saint-Gobain dans cette même ville en témoignent. On oublie un peu l’esthétique au profit du pratique. 

L'ère industrielle, c'est aussi l'époque de l'architecture audacieuse et innovatrice : nouveaux matériaux et nouvelles formes. La plus ancienne maison française construite en béton l’a été à Saint-Denis en 1852. Véritable pépinière de grands innovateurs, la Seine-Saint-Denis voit se succéder la témérité des architectes des années 1930 (le Blanc-Mesnil), la Reconstruction de l’après Seconde Guerre mondiale (la cité Castor de Montreuil-sous-Bois ou les 800 logements d'Aubervilliers), la folie des années 1960 (la cité des 4.000 de La Courneuve ou les Courtillières à Pantin), les innovations des années 1980-1990 (comme le Palacio d’Abraxas de Ricardo Bofill, les « camemberts » de Noisy-le-Grand ou la Bourse du travail d’Oscar Niemeyer à Bobigny) et, bien sûr, le Grand Stade de France. Je me garderais bien de dire ce que je pense de ces constructions nouvelles.

En 2022, la Seine-Saint-Denis comptait 1.678.400 habitants. La population de la Seine-Saint-Denis est en hausse. C'est une population qui rajeunit fortement avec 0,4 personne de 65 ans et plus par habitant de moins de 20 ans. A l’intérieur du département, c’est la ville de Pantin qui gagne le plus d’habitants d’une année sur l’autre. Aubervilliers, Romainville et Saint-Denis gagnent également environ un millier d’habitants. Vingt-six communes dépassent plus de 30.000 habitants. On a rasé des quartiers entiers à Saint-Denis, à Pantin, à Aubervilliers, à Bagnolet pour construire des immeubles collectifs. Bobigny, chef-lieu administratif, en devenue ville en vingt ans tout en restant de taille encore modeste : elle comptait en 2021, 53.640 habitants (la même année Noisy-le-Grand comptait 68.183 habitants). Au total, les populations augmentent dans 27 villes du département et diminuent dans 13. En 2021, c’est Le Pré-Saint-Gervais (-465 habitants, en diminution de 2,59%) et Le Bourget (-455 habitants, en diminution de 2,74%) qui perdent le plus d’habitants. La Seine-Saint-Denis est désormais le département le plus urbanisé de France (le Nord reste le département les plus peuplé).

Mais quelles sont les conséquences de ce développement industriel ? Combien reste-t-il de maraîchers à Stains, à La Courneuve, à Bobigny ou à Drancy ? Où sont les moulins de Blanc-Mesnil ? La Grange aux Dîmes de Tremblay-en-France demeure un témoignage du passé, tandis que du sol de la même commune décollent des avions à destination de centaines de villes à des milliers de kilomètres. Et la « toile d’araignée métallique » que constitue le parc des expositions de Villepinte ? La Tour Pleyel, cette verticale brune dans le sol, c’est un gratte-ciel à Saint-Denis. Les pêches de Montreuil et de Bagnolet (plus de treize millions de pêches en 1840) deviennent une référence muséographique. 

Faut-il regretter ? Avant, on avait les taudis sans lumière et sans eau courante, les chemins bourbeux empruntés par les ouvriers partant au travail avant le jour, revenant de celui-ci à la nuit, après douze heures de travail harassantes près d’une machine à vapeur, un symbole de l’énergie nouvelle. Qu’on songe au profit maigrichon obtenu après des jours de plein soleil pour faucher le blé mûr et la discussion âpre avec le meunier. Qu’on songe au lourd labeur manuel pour creuser le canal, pour installer le chemin de fer….. C’est tout cela aussi la Seine-Saint-Denis autrefois pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Aujourd’hui, on a des immeubles « en dur », les routes sont goudronnées, il y a quasiment partout des transports en commun. Certes, on peut ne pas aimer ce qu’est devenu ce département (esthétique des immeubles, sécurité, ….) mais quand on sait d’où il est parti, on peut se dire qu’après-tout, il n’est pas si mal ? 

L'histoire de Paris remonte autour de l'an 259 avant J-C, lorsque la petite tribu des Parisii fonda la ville sur la rive droite de la Seine. Ce premier peuple de pêcheurs tomba entre les mains des Romains qui fondèrent la ville de Lutèce en l'an 52 avant J-C. La ville ne prendra le nom de Paris qu'au IVème siècle. La Seine-Saint-Denis, elle, n’a que 55 ans. Il faut lui laisser le temps de vieillir !!!

Cet historique a été inspiré du site tourisme93.com  et d’un live (paru en 1986 donc pas très récent) Seine-Saint-Denis Autrefois de Jean Aubert.

Annie R.

Mars 2023

 

 


Lettre de février 2023 :

Histoire du Bois Saint-Martin

(et petite histoire de certains propriétaires)

 

 Parmi les vœux que nous aurions pu formuler pour 2023, il y en a un : que la météo nous permette ENFIN d’aller visiter le Bois Saint-Martin.

Pour nous faire patienter, je vais essayer de vous retracer l’histoire de ce bois. 

Situé dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, il s’agit du plus grand bois privé du Grand Paris fermé jusqu’alors au public. Sa superficie ne couvre pas moins de 280 hectares de surface, soit près du tiers du Bois de Boulogne ou l’équivalent de 400 terrains de foot. Par son histoire, il est réparti pour l’essentiel sur la commune de Noisy-le-Grand mais également pour quelques hectares sur le Plessis-Trévise ainsi que sur Villiers-sur-Marne. Le Bois Saint-Martin est la dernière poche de nature subsistant entre Vincennes et la Ville Nouvelle de Marne-la-Vallée. En 2020, la région Ile-de-France via son Agence des Espaces Verts a acquis les parties boisées tandis que la ville de Noisy-le-Grand s’est engagée dans l’achat des parties bâties dans l’objectif de l’ouvrir au public de façon contrôlée

Mais quelle est cette histoire ? La Société Historique du Plessis-Trévise avec l’aide du Baron Claude Petiet (dernier propriétaire des lieux) en ont fait un excellent historique dont je vais m’inspirer pour vous narrer cette histoire. 

- En 1701, Paul Poisson de Bourvallais (1658-1719), achète de nombreuses terres de la Brie dont le domaine de Champs-sur-Marne, des terres appartenant aux seigneurs de Champs depuis le XIIe s. Il fait reprendre le projet de construction en l’agrandissant ; Les travaux sont achevés vers 1705-1706. En 1706, une certaine Marie Levassor, dans une situation financière délicate, vend la Seigneurie de Gournay-sur-Marne en viager à Paul Poisson. Il en devient pleinement propriétaire à la mort de Marie Levassor. Le 28 octobre 1706, le prieuré de Saint-Martin-des-Champs à Paris vend la seigneurie de Noisy-le-Grand et le Bois de Saint-Martin à Paul Poisson pour la somme de 102.000 livres. Les moines conservent à Noisy les bâtiments de la ferme, environ 420 arpents de terre et certains droits et revenus. Toujours en 1706, il achète au numéro 13 de la place Vendôme le somptueux hôtel de Bourvallais.

Paul, c'est le fils de petits fermiers d'Ille-et-Vilaine né au milieu du XVIIe siècle. Il vient très tôt à Paris, où il se retrouve laquais chez un fermier-général. Mais ses affaires ne marchent pas et Paul retourne en Bretagne. Là, il devient huissier. Le premier président du parlement de Rennes le remarque un jour, et surpris par la teneur des actes qu'il rédige, lui promet une place plus en vue ! Voilà Paul qui repart à Paris où il devient piqueur du pont Royal. Très apprécié, son patron le fait très vite monter en grade. Secrétaire du conseil, secrétaire du roi, contrôleur général des finances de Bourgogne...  Et Paul se retrouve à la tête d'une fortune colossale ! Il fait alors ajouter à son humble nom celui plus ronflant de Bourvallais. L’opulence de Paul Poisson, ses palais dont son hôtel particulier, ses 15 seigneuries, qui couvrent une partie de la Brie, ses 10 ou 12 charges le désignent à la vindicte publique. Ses détracteurs le qualifient de premier Maltôtier du Royaume (personne qui s’est enrichi grâce à la collecte de la maltôte, généralement de l’impôt)). Il est alors accusé de malversations. En 1716, il est embastillé. Il est taxé de 4.400.000 livres. 

Il doit se défaire du Château de Champs-sur-Marne et est exproprié de l'hôtel de Bourvallais. (Cet hôtel est dévolu à Henri François d’Aguesseau, Chancelier de France, c’est-à-dire Garde des Sceaux. Cet hôtel est resté depuis le siège du ministère de la Justice).

 Ses biens de la Brie sont mis en adjudication. Paul Poisson de Bourvallais paye ainsi son amende et bénéficie d’une levée d’écrou. Il meut le 6 février 1719

- En 1718, la princesse Marie Anne de Bourbon dite Mademoiselle de Blois (fille légitimée de Louis XIV et de la duchesse de La Vallière), Princesse de Conti, achète à Paul Poison le château de Champs-sur-Marne pour 20.000 livres ainsi qu’une partie de ses biens qu’elle confie au duc de La Vallière son cousin. De successions en donations, le domaine reste durant près d’un demi-siècle entre les mains des Bourbon-Conti avant d’atterrir par succession en 1790 à Anne-Henriette-Françoise Michel, devenue marquise de Marboeuf par son mariage en 1757 avec Jacques Auger, Marquis de Marboeuf. Jacques Auger est colonel des Dragons. Elle est dotée de 8 millions de livres. Ils se séparent dès 1763. La marquise est une agronome moderne, elle va le payer de sa vie.

En 1768 ; Anne-Henriette-Françoise Michel, marquise de Marbeuf reçoit en héritage de son père le Château de Champs-sur-Marne, celui de Gournay et leurs plantations. Sa sœur Gabrielle-Augustine se voit dévolu le Château de Noisiel et les terres de Noisiel, Torcy-en-Brie et la Malnoue.

- La Marquise Marboeuf (1738/1794) convertit le domaine en herbe, sur plus de cent hectares, pour produire, grâce au lait des animaux qui y pâturent (vaches, brebis), des laitages destinés aux crémeries parisiennes. Elle est aidée par le Sieur Jean-Joseph Payen. Celui-ci est par ailleurs Commissaire des guerres du Roi d’Espagne. Il est à la fois son locataire, son homme de confiance et il deviendra une forme d’intendant ou de régisseur. Il est fortement question qu’il soit aussi son amant. Pendant la Révolution, ses voisins agriculteurs, jaloux de son activité, l’accusent d’affamer le peuple en abandonnant la culture des céréales. Traduite devant le tribunal révolutionnaire, elle est condamnée à mort en même temps que le régisseur de son domaine. Elle meurt sur l’échafaud le 5 février 1794 pour avoir fait semer de la luzerne au lieu du blé et avoir suscité des troubles dans sa commune. Elle est même accusée d’avoir conservé des provisions dans sa maison de Champs sur Marne, provisions qu’elle destinait aux Prussiens et aux Autrichiens dont elle aurait souhaité la venue. Son domaine est mis en vente et est racheté par son neveu.

Après une succession longue, en 1809, le domaine de Saint-Martin revient au Chevalier Augustin Claude Lecomte- Desgraviers, légataire universel le Monseigneur Louis François Joseph de Bourbon, Prince de Conti. Le domaine, appelé les Bois Saint-Martin-Lalande, d’une superficie de 265 hectares, 48 ares et 85 cent, est vendu en 1820 par lots qui pourront être réunis. Voici la description qui en est faite :

Les Bois de St.-Martin-Lalande sont d'un seul massif de forme irrégulière. Ils sont situés sur le territoire de la commune de Noisy-le-Grand, à peu de distance du chemin de Villiers-sur-Marne à Malnoue et tiennent du nord, à la route des Friches de la commune de Noisy-le-Grand appelées les grandes Yvres; du levant au chemin de Saint-Martin-les-Yvres qui les sépare des bois, terres et friches de Malnoue et d'Emery; du midi aux bois de M. Lamarre; et du couchant au fossé en avant, et près le mur du parc de Lalande, et en suivant toujours vers le couchant au chemin de Villiers à Combault, et aux bois de divers particuliers. La route principale qui traverse les bois de St.-Martin-Lalande est celle dite des Princes qui a son entrée au nord sur celle des Friches-de-Lalande, perce lesdits bois dans toute leur profondeur jusqu'à leur extrémité au midi, et sépare ainsi tout le massif en deux parties.

Ces bois dont l'essence dominante est le chêne à petits glands, mêlé de bouleau et de tremble rabougris sont divisés en 16 coupes, dont 7 dans la partie au levant et 9 dans la partie au couchant de la route des Princes.

- C’est Armand Théodore Santerre, un industriel qui remporte l’adjudication. Dans les années suivantes, il va y implanter les premiers bâtiments (une ferme et une maison d’habitation). La chasse est sa principale passion. Il fait du Bois Saint-Martin une superbe réserve où abondent faisans, lapins et chevreuils. La plaine fournit les perdreaux et les lièvres. Les invitations à y chasser sont très recherchées. Son 4ème fils, Edmond Auguste, hérite du domaine à sa mort en 1835. Il aura plusieurs enfants dont une fille Marguerite qui épouse Ferdinand Borde. 

- En décembre 1875, par suite d’un désaccord de succession, Marguerite (devenue épouse Borde) récupère le domaine par suite d’une vente sur licitation. La ferme est alors complètement démolie, les autres bâtiments sont agrandis. Marguerite a deux enfants dont Germaine en 1878.

- En 1909, à la mort de Marguerite Borde, le domaine revient à Germaine qui entre-temps a épousé le Baron Charles Petiet (1879-1958). C’est un industriel français de l'automobile, créateur à 24 ans de la marque Ariès. Il est membre de la Chambre Syndicale des Constructeurs d'Automobiles, du Conseil de l'Union des Industries Métallurgiques et Minières et du Conseil des Industries Métallurgiques Mécaniques de la région Parisienne. Il est aussi de 1921 à sa mort en 1958, président du Comité du Salon de l'Automobile.

De haute taille, 1m82, de bonne stature, Charles Petiet est doué d’une vitalité exceptionnelle et d’une puissance de travail surprenante. Ce très grand travailleur déborde de vie. Dans sa jeunesse, il a pratiqué tous les sports : football, escrime, cheval, tir, il a été à 20 ans Champion de Tir junior. Contemporain de la naissance de la bicyclette, puis des premiers et modestes engins à pétrole, leur conduite a été pour lui un jeu passionnant. Mais déjà à cet âge, la chasse est son sport favori et le demeurera jusqu’à l’année de son décès, à 79 ans. On parle de ses terribles boutades : effectivement, “de la voix au début volontairement ralenti, de son ton traînant et volontiers gouailleur, le Baron Petiet assène parfois de terribles coups de boutoir, précis comme les balles de sa carabine, fatale à tant de sangliers. Son franc-parler ne lui vaut pas que des amis”.

Lors de sa mort en 1958, le domaine est partagé entre ses trois enfants, dont Marcel, l’aîné qui hérite du titre de Baron, de la maison d’habitation et de 24 ha autour. 

En 1993, le fils de Marcel, Claude, dernier baron en titre, rachète à ses frères et sœurs leur part. C’est lui, entre autres, qui va s’opposer à l’acquisition du bois Saint-Martin dès 1970.

Dans la première moitié du XXème siècle, le gibier à l’état naturel y abonde. On parle de 2.000 à 3.000 lapins tués chaque année. 

Mais, dans les années 1950, la myxomatose fait quasiment disparaître les lapins qui vont être remplacés par les lièvres et un élevage intensif de faisans. Il y a alors 8 grandes chasses par an avec une dizaine d’invités au maximum chaque fois. On peut alors tuer jusqu’à 120 faisans par jour de chasse. Quelques sangliers, en provenance de Malnoue y élisent domicile. Dans les années 1960, les chasses se développent. On parle de 400 à 500 faisans tués chaque année. Ceux-ci sont élevés en volières et lâchés avant les jours de chasse.  Cinq chevreuils avaient été introduits par Edmond Santerre. Dans les années 1970, on estime leur nombre à 80 environ. Les quotas de chasse sont alors de 20 à 30 tués tous les deux ans. Les renards (pourtant tués entre 18 à 26 chaque année) ont fait disparaître les faisans. Depuis les années 1980, les chasses ont été abandonnées et il n’est pas rare d’apercevoir les chevreuils près des habitations. Dans les années 1995, une horde d’une quarantaine de sangliers a fait de gros dégâts dans le bois

- Dès 1970, la ville de Noisy le Grand va tenter d’acquérir le bois Saint-Martin. Mais elle s’oppose aux descendants Petiet soutenus par des associations de défense de l’environnement. En 2020, l’acquisition par la Région Ile-de-France va mettre fin à cette propriété privée et permettre l’ouverture au public d’une partie de ce parc, une autre partie restant interdire afin de protéger la faune et la flore.

Annie R.

Février 2023

 


  Lettre de Janvier 2023 : La vieillesse 

 

En ce début d’année, nous échangeons de vœux pour notre santé, notre bonheur …. Pour nous et ceux qui nous sont chers. Mais c’est aussi un an de plus qui s’annonce. Et pour une fois, je ne vais pas innover, je vais vous reprendre un joli poème sur la vieillesse, intitulé « Vieillir en beauté »

« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur,

Sans remords, sans regret, sans regarder l’heure.

Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur,

Car à chaque âge se rattache un bonheur.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps,

Le garder sain en dedans, beau en dehors.

Ne jamais abdiquer devant un effort,

L’âge n’a rien à voir avec la mort.

 

Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce

A ceux qui se sentent perdus dans la brousse,

Qui ne croient plus que la vie peut être douce

Et qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.

Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.

Etre fier d’avoir des cheveux blancs,

Car pour être heureux on a le temps.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,

Savoir donner sans rien attendre en retour,

Car où que l’on soit, à l’aube du jour,

Il y a quelqu’un pour dire bonjour.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir,

Etre content de soi en se couchant le soir.

Et lorsque viendra le jour de non-recevoir,

Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au-revoir.

 

Ne regrette pas de vieillir, 

C’est un privilège refusé à beaucoup. »

 

Félix Leclerc

 

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Félix Leclerc, est né Joseph Félix Eugène Leclerc le 2 août 1914 à La Tuque au Québec et mort le 8 août 1988 à Saint-Pierre-de-l'Île-d'Orléans au Québec, est un auteur-compositeur-interprète, poète, écrivain, animateur de radio et de télévision, scénariste, metteur en scène et acteur québécois

Annie R.

Janvier 2023